Le 7 septembre 1822, le Brésil est devenu indépendant. C'est un jour qui sert à raviver dans les cœurs des Brésiliens vivant à l'étranger ce sentiment que le Baron de Rio Branco, le patron de la diplomatie brésilienne, a su exprimer par sa devise — ubique patriae memor — le souvenir de la patrie n'importe où, où que l'on se trouve. Cette date marque, pour le Brésil, non seulement la naissance de l'Etat, le début de la vie indépendante, la rupture avec la subordination coloniale, mais aussi et surtout la concrétisation d'un sentiment de nationalité qui s'était forgé dans les luttes contre les invasions françaises et hollandaises aux XVIe et XVIIe siècles, dans la tension générée par l'exploitation mercantiliste de l'ancienne colonie et dans la conscience accrue du poids d'un statut colonial qui ne profitait qu'à la métropole éloignée et aux grandes puissances européennes. Une histoire déjà longue de 185 ans a commencé ce jour-à, en prenant le relais d'une histoire coloniale qui a, certes, formé une bonne partie de l'identité et de l'éthos nationaux brésiliens, mais qui a aussi légué un lourd héritage social et économique à la jeune Nation, et dont l'esclavage, aboli finalement en 1888, est assurément le symbole et la réalité les plus dramatiques et lourds de conséquences et de défis, autant sociaux que politiques. C'est tout en bravant les difficultés et le handicap qu'un tel legs colonial représente, que le Brésil a accompli un nombre considérable de conquêtes, tels que son unité territoriale et linguistique, ses dimensions continentales, son territoire entièrement délimité sur 15 000 kilomètres de frontières terrestres avec 10 voisins, plus de 130 années de paix avec ses voisins, une population forte de son brassage multiculturel, une longue marche sur la voie du développement économique et de l'intégration progressive dans ce continent qu'est l'Amérique du Sud, un long chemin parcouru dans la consolidation d'un régime démocratique qui s'enracine dans les institutions parlementaires et le pluripartisme de l'Empire, établies déjà en 1824 et qui n'ont cessé de fonctionner que pendant 7 années, de 1937 à 1945. Ce sont autant d'acquis qui forment un passé dont les 180 millions de Brésiliens peuvent être fiers et qu'ensemble nous fêtons dans notre pays lointain, mais aussi dans différentes contrées du monde qui ont accueilli les quelque 2 millions de Brésiliens expatriés. Mais il ne s'agit pas d'une commémoration purement rituelle d'un passé borné aux livres scolaires ou le calendrier protocolaire des institutions publiques. Loin de là ! Cette évocation est une opportunité qui se présente, chaque année, pour une réflexion sur la Nation qu'on a su bâtir et sur le long chemin qui nous reste à parcourir pour assurer la réalisation de l'esprit de liberté qui a animé le 7 septembre 1822, et du projet d'une vraie souveraineté qui est née alors et que nous ne cessons de bercer et d'affirmer. Car le Brésil est conscient de ce que son indépendance n'est nullement une tâche achevée, un point de repère historique, une victoire acquise et consolidée le jour même où elle a été unilatéralement déclarée. Le 7 septembre est donc pour nous Brésiliens l'occasion de raffermir le sentiment de nationalité, ce qui veut dire le renforcement de la passion pour le pays et la volonté collective d'avancer dans la construction d'une nation qui fasse justice à l'espoir qui émane de l'indépendance et à l'engagement durable qu'elle représente. C'est un moment pour renouveler l'identité brésilienne, dont les traits les plus remarquables ont toujours été la joie de vivre, la tolérance, le brassage culturel et ethnique, la coexistence pacifique et intense entre les différentes religions, l'esprit démocratique qui a sa meilleure expression sur une plage comble à Rio, un stade de football ou encore lors de la célébration du Carnaval. Mais c'est aussi un rappel pour reconnaître que la nation, et donc l'indépendance, ne sont pas une œuvre achevée, mais un processus continu et dynamique qui doit engager la société tout entière. Pour reconnaître que Nation et Indépendance ne signifient pas non plus une conception chauviniste ou exclusiviste du monde. Le Brésil se sait une nation ouverte, qui a bénéficié du pluralisme culturel dans le passé et qui veut continuer à apprendre à travers la convivialité, l'amitié et la coopération avec d'autres peuples et nations. Une nation en progression, démocratiquement engagée dans le développement durable et la justice sociale, en partenariat — un vrai partenariat de partage et de coopération — avec les pays qui nous ressemblent de par leur histoire et par leur défis — dont, naturellement, et parmi les premiers — l'Algérie, qui a tant brigué sa propre indépendance. Se souvenir, c'est aussi agir, c'est travailler inlassablement pour son pays, guidé par cet esprit de tolérance et d'ouverture qui marque l'identité brésilienne. C'est un privilège que de pouvoir faire cette évocation de la patrie et de la nation brésilienne dans ce grand pays qu'est l'Algérie. Sans jamais oublier que notre destin est lié à celui du monde entier et qu'il n'y aura pas de progrès réel pour nous, en dehors d'un cadre de coopération et de vrai partenariat entre toutes les nations et tous les peuples, en particulier ceux du Sud dont les défis nous rassemblent et dont la vraie indépendance, tout comme l'indépendance du Brésil initiée en ce lointain 7 septembre 1822, se bâtit chaque jour, par chaque citoyen et chaque citoyenne, n'importe où, où qu'ils soient. *Ambassadeur du Brésil en Algérie depuis novembre 2005