“Un énorme problème guette la zone Afrique du Nord. C'est aussi un problème mondial. C'est comme un tsunami : c'est le détournement d'une partie de la production de cocaïne par le Maghreb.” Ainsi résume la situation dans un bref avenir M. Xavier Raufer, directeur au centre de recherche sur les nouvelles criminalités, lors d'une conférence animée en compagnie de François Haut, directeur du département de nouvelles menaces criminelles contemporaines tenue au commandement de la Gendarmerie nationale. Le flux illicite se dissimule dans le dense flux légal entre le sud de l'Europe et l'Afrique du Nord. Il a, par ailleurs, alerté sur un phénomène avéré dans certains pays ; celui de pays de transit qui deviennent des pays consommateurs. Raison pour laquelle il dira qu'il n'y a pas de pays de transit. Il évoquera d'autres menaces telles que les bandes juvéniles, un phénomène qui risque d'exploser et, enfin, l'extrémisme écologiste qu'il assimile à l'extrémisme religieux. Son collègue se contentera de l'évocation des circonstances de la création du département nouvelles menaces et de ses activités, même informelles, qui sont devenues des filières à diplômes. En gros, il s'agit de l'observation des phénomènes naissants, d'élaboration de concepts qu'exploitent par la suite les professionnels, les services de sécurité pour la prévention. Beaucoup de théorie qu'agrémentera M. Raufer d'exemples puisés dans l'histoire. La nouveauté, toutefois, sera décelée dans la mondialisation qui a “rasé” les frontières, les nouvelles technologies de communication dont tirent avantage les trafiquants et les criminels, alors que les Etats demeurent, par leur inertie, enfermés dans leur dogmatisme. Les deux conférences n'ont pas abordé leur intitulé, “trafic de drogue et blanchiment d'argent” —à ce sujet le centre de recherche et développement de la GN a lancé un projet de recherche avec une équipe de la Faculté de droit d'Alger pour faire une étude sur le dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent au niveau national et international et l'élaboration d'une stratégie d'investigation, de gestion et d'action — particulièrement la nouvelle menace que représente le trafic de cocaïne, à peine effleurée, alors que des informations font état de constitution de réseaux déjà actifs. Certains ont déjà été démantelés au Maroc et en Mauritanie. Après le démantèlement du réseau marocain qui remonte jusqu'aux territoires sahraouis occupés, et dans lequel sont impliqués de hauts responsables des services de sécurité du royaume, les autorités mauritaniennes viennent, de leur côté, de mettre la main sur quatre réseaux dont trois sont spécialisés dans le trafic de cocaïne. Elles ont saisi 2 311 kg de cocaïne, selon un décompte établi par la presse locale. Diverses nationalités participent dans ces réseaux, autrichienne, française, belge, marocaine, mexicaine, syrienne, libanaise, selon les identifications faites par les services de sécurité mauritaniens après l'arrestation de certains des membres des réseaux. Après interrogatoire, un Marocain du réseau a avoué, selon la presse mauritanienne, avoir déjà convoyé vers le Maroc une quantité de 500 kg de cocaïne. Ce qui confirme la nouvelle stratégie des cartels sud-américains pour atteindre le Vieux continent, surtout depuis le durcissement et le dispositif répressif des USA et l'installation du centre d'analyses et de renseignements maritime au Portugal. Le choix a été fait pour le Maroc pour sa proximité avec l'Europe et l'expérience des réseaux de trafic de kif et la Mauritanie, Nouadhibou particulièrement, proche du Maroc avec une ouverture maritime et surtout l'existence autour d'une zone non contrôlée. Zone que les médias mauritaniens qualifient de “no man's land”. Par ailleurs, selon des renseignements recueillis par les services de sécurité mauritaniens, les trafiquants qui agissent avec audace prévoyaient d'installer une usine de traitement de la drogue. Intention qui dénote la volonté des cartels latinos d'étendre leurs activités par l'externalisation du traitement du produit. D'où certainement la présence des Mexicains dans l'un des réseaux démantelés. La menace n'est certainement pas à venir, comme le prévoit M. Xavier Raufer puisqu'elle est déjà une réalité. D'où la nécessité d'une coopération internationale, souhait exprimé par les autorités mauritaniennes, notamment avec l'Europe, destination du produit, mais aussi fournisseur de réseaux de distribution et de convoyage. Djilali B.