Les prévisionnistes se sont plantés : les islamistes marocains ont fait chou blanc. C'est le parti nationaliste, l'Istiqlal, qui arrache la mise. Les islamistes du PJD ont fait le même score qu'aux législatives de 2002, eux qui s'étaient vus comme la première force politique au Maroc. Le parti nationaliste Istiqlal, qui fait partie de la coalition sortante, est arrivé en tête des élections législatives marocaines de vendredi, mais l'opposition islamiste, mauvais perdant, accuse ses adversaires d'avoir acheté des voix. Selon des observateurs internationaux, le scrutin s'est déroulé en bon ordre même si des irrégularités isolées ont été constatées. L'UE a salué sa réussite et sa transparence. Washington qui a suivi de près le scrutin marocain avec la présence active de l'ONG NDI, dirigée par Albright, la secrétaire d'Etat de Clinton, espérait y puiser la preuve que sa nouvelle campagne pour la démocratisation des islamistes est sur le bon chemin. Le PJD ne s'est pas trompé en faisant allusion lors de sa campagne électorale au cheminement des islamistes turcs vers la démocratie musulmane, dans le style de la démocratie chrétienne. “Les conditions démocratiques dans lesquelles les élections se sont déroulées témoignent de l'engagement du Maroc dans le processus de réformes politiques, économiques et sociales dont l'initiative a été prise au plus haut niveau de l'Etat marocain au cours de ces dernières années”, a déclaré la présidence portugaise de l'UE qui a salué aussi les efforts déployés pour assurer une plus grande représentativité des femmes lors de ces élections. Les Marocaines ont obtenus 30 sièges grâce à une disposition sur la parité. L'Istiqlal a obtenu 52 sièges, devant le PJD avec 47 sièges, devait annoncer le ministre marocain de l'Intérieur avant les résultats définitifs. La grande leçon de ces législatives est que les islamistes, qui ont fait campagne sur le thème de la lutte contre la corruption et qui étaient persuadés de devenir la première formation à la Chambre des représentants, se sont plantés. Ils ont dû déchanter après la fermeture des bureaux de vote, accusant leurs adversaires, l'ex-coalition au pouvoir et la gauche, de fraudes ! Ces derniers avaient clairement signifié aux islamistes qu'ils ne gouverneront pas avec eux s'ils venaient à remporter la victoire. La chambre sortante était dominée par les deux principaux partis laïques : l'USFP (socialiste) et l'Istiqlal (conservateur) qui disposaient respectivement de 50 et 48 sièges. Les socialistes, qui étaient à la tête de l'exécutif et espéraient que les électeurs approuveraient les réformes économiques et sociales prudentes du gouvernement de coalition sortant, essuient un cinglant revers en reculant de premier à cinquième groupe à l'Assemblée. Pour ces deuxièmes élections législatives depuis l'arrivée sur le trône de Mohammed VI, il y a neuf ans, 33 partis et des dizaines d'indépendants briguaient les 325 sièges de la chambre basse. Par ailleurs, si les islamistes avaient gagné, ils n'auraient pas modifié grand-chose, Mohamed VI veillant à conserver l'échiquier politique du moins dans ses grands équilibres. En outre, le système électoral complexe en vigueur au Maroc rend pratiquement impossible à un seul parti de disposer à la Chambre d'une majorité absolue. Les chiffres provisoires ont fait apparaître un taux de participation qui n'a jamais été aussi bas de 37%. La majorité des 15 millions d'électeurs semble davantage préoccupée par la corruption et par la pauvreté que par la religion. D. Bouatta