Pour les musulmans, de l'Indonésie au Maroc, la version 2007 du Ramadhan s'annonce explosive. Les menaces terroristes sont couplées avec la hausse des prix des produits alimentaires dans des sociétés qui brillent pour… leurs retards dans tous les domaines. Chez nous, les attentats terroristes de Batna et de Dellys ont porté un coup dur au climat d'espoir de la paix retrouvée. La réactivation de la franchise maghrébine d'Al-Qaïda anticipe d'un mois loin de la fête dans la générosité et du recueillement dans l'apaisement. Le patron de la police, Ali Tounsi, a beau annoncé un dispositif sécuritaire “impressionnant”, la confiance a diminué. Le souvenir de la décennie rouge est dans les esprits. Le mois sacré de toutes les incertitudes ne concerne, cependant, pas que l'Algérie. De l'Indonésie au Maroc, tous les musulmans sont assis sur des poudrières. En Irak, la population fantasme d'une diminution des tueries, n'accordant aucun crédit aux promesses de l'armée américaine que sa nouvelle stratégie va permettre une amélioration de leur sécurité. Depuis quatre ans, le ramadhan dans ce pays, à l'origine de la civilisation humaine, est synonyme de descente aux enfers. C'est dans cet espace mésopotamien que se trace, dit-on, la nouvelle cartographie du monde musulman ! En Afghanistan, la situation n'est guère meilleure. Les talibans sont de retour et Ben Laden ne cesse de tourner en dérision les armées les plus sophistiquées dans le monde, celles réunies des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Allemagne. Karzaï, le président afghan que Washington “coconne” à Kaboul, s'est vu obligé de quitter précipitamment un meeting où il vantait les bienfaits de la réconciliation. Musharraf du Pakistan, qui a également tout le soutien de la Maison-Blanche, n'est guère mieux loti. Le terrorisme chez lui fait rage : pas un jour sans attentat. L'étau s'étant refermé autour de son régime, le président pakistanais a dû négocier sa tête avec mme Bhutto, une ex-Premier ministre qui n'a pas les faveurs des islamistes. Ces derniers ont juré de faire la peau à Musharraf qui leur a déclaré la guerre totale après avoir cohabité avec eux, les alimentant et les couvant dans la propagation de leurs interdits sociaux au nom de l'islam. En Asie, les menaces n'ont toujours pas disparu. Le président russe, un homme des services, n'arrête pas de harceler ses voisins musulmans pour forger un front antiterroriste. Plus au sud-est, dans ces pays où islam et économie moderne ont, dit-on, trouvé un terrain d'entente, le terrorisme reste latent, comme dans le sud des Philippines où sévit le groupe Abou Ayyaf. Dans le pays le plus peuplé en musulmans, l'Indonésie, sous la pression de lobbys islamiques dirigés contre les lieux de “perdition”, les autorités ont ordonné la fermeture des boîtes de nuit et une réduction des horaires des restaurants. Au Moyen-orient, l'arbre ne doit pas cacher la forêt. À Gaza, les Palestiniens passeront leur premier ramadhan sous l'autorité du Hamas et des heurts sont d'ores et déjà programmés entre la police islamiste et les militants du Fatah qui ont annoncé de braver l'interdit des islamistes de prier dans la rue ! Au Liban, le ramadhan coïncide avec la tenue de l'élection présidentielle sur fond de tensions entre la majorité parlementaire antisyrienne et l'opposition chiite. Les attentats n'ont pas disparu bien que l'armée se targue d'avoir éteint le foyer de Nahr Al-bared après avoir écrasé Fath Al-islam, la franchise palestinienne d'Al-Qaïda en Egypte, “oum dounya” des Arabes, la sécurité a été renforcée, principalement autour des lieux touristiques, mais les Frères musulmans n'ont pas baissé la garde, malgré une lourde répression et des stratagèmes de tout ordre pour empêcher leur avènement par voie électorale. Dans le pays d'origine de l'islam, l'Arabie saoudite, on s'affaire à accueillir un million de musulmans pour la omra avec une alerte maximale. Le pays a fait régulièrement l'objet d'attentats terroristes au nom du wahhabisme, l'idéologie officielle de la dynastie régnante. C'est l'histoire de l'arroseur arrosé. Dans l'Iran chiite, pour la première fois, un avion sera utilisé pour observer la lune ! Mais l'ouverture se limite à la technologie et au nucléaire, le respect du jeûne fait l'objet de mesures des plus coercitives. Dans les hôtels de luxe du riche Koweït pétrolier, concerts et réceptions nocturnes sont interdits sous la pression de députés islamistes. Tandis que dans la ville artificielle de Dubaï, les étrangers pourront faire la fête. C'est le prix du cosmopolitisme imposé par ses princes. Au Maroc, les islamistes ne sont pas la première force politique, comme ils l'avaient claironné, mais le danger n'est pas pour autant écarté. Les kamikazes se recrutent chez les radicaux qui risquent de gonfler après l'échec du PJD, l'équivalent de notre MSP. Alors que d'autres dangers, liés ceux-là aux augmentations inévitables des prix des produits et services par le jeu de la mondialisation, les responsables musulmans n'arrivent même pas à accorder leur violon pour la fixation du jour du ramadhan ! Mercredi ou jeudi, selon les pays et que l'on est sunnite ou chiite. L'observation se faisant à l'œil nu à l'heure de la nanotechnologie et de l'exploration dans le monde infiniment grand au-dessus de nos têtes. C'est dire toute l'étendue d'un retard qui constitue pour l'islamisme radical un terreau fertile. D. Bouatta