Les milliers de policiers et de militaires mobilisés pour la circonstance n'ont pas permis un bon déroulement de l'opération électorale marquée par des violences, qui ont fait six morts. La fraude et la violence ont été les principales caractéristiques des élections présidentielles au Nigeria, particulièrement dans les régions du Sud-Ouest et du Sud-Est. Ce scrutin, le premier depuis la fin du régime militaire en 1999, revêt une importance particulière pour la pérennité de la démocratie dans ce pays, marqué par un pouvoir militaire. L'opposition, qui avait déjà accusé le président Olesegun Obassanjo et sa formation politique, le Parti démocratique et populaire, d'avoir truqué les législatives et les sénatoriales du 12 avril dernier, revient à la charge et menace de mettre à exécution son projet d'“action populaire” au cas où ce scrutin serait entaché d'irrégularités. A titre d'exemple, lors des précédentes élections, le parti du président nigérian a remporté 92% des voix dans la région de Port Harcourt avec un taux de participation très élevé alors que les observateurs affirment qu'une bonne partie des bureaux de vote n'a pas ouvert ses portes. Comme il fallait s'y attendre, les tentatives de fraude n'ont pas manqué et ont amené les policiers à arrêter trente personnes, dont le ministre du commerce de l'Etat d'Oyo. Ce dernier, membre du parti de l'Alliance démocratique (AD), a été arrêté pour avoir perturbé les élections, selon la police. Parmi les signes annonciateurs de violence figure la saisie par les forces de sécurité de 530 coutelas destinés à être utilisés le jour du scrutin, dans l'Etat d'Ondo. Il y a lieu de signaler l'arrestation d'une personne dans l'Etat d'Ogun en possession de 4 000 bulletins de vote chez lui. Mais l'événement le plus grave est incontestablement la mort de six membres de l'opposition, tués semble-t-il par les forces de sécurité escortant des membres du parti au pouvoir du président Obassanjo dans le village d'Oporoma dans l'Etat de Bayelsa. L'annonce a été faite par des observateurs de l'Institut pour la démocratie en Afrique du Sud (IDASA). Selon un autre membre de cet institut, les forces de l'ordre qui accompagnaient le ministre de la Justice, dans le même Etat, ont ouvert le feu sur des jeunes militants de l'opposition. Intimidations, vol d'urnes et ouverture tardive des bureaux de vote ont également marqué le déroulement des élections. Le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, a toujours vu la transition d'un régime militaire vers un pouvoir civil interrompue par l'armée, qui n'hésitait pas à reprendre les rênes du pays sous prétexte de corruption généralisée ou de fraude électorale. Les généraux Yacub Gowon, Ibrahim Babangida, Sani Abachi et autre Muhammad Buhari ont à chaque fois abrégé les tentatives d'instauration de la démocratie au Nigeria, depuis l'indépendance du pays en 1960. C'est la première fois, que des élections présidentielles sont organisées par un pouvoir civil avec un maximum de précautions et de mobilisation pour consolider la démocratie très fragile dans ce pays. Malgré tous les incidents précédemment signalés, d'autres régions ont vécu l'événement à sa mesure, avec des scènes de liesse d'électeurs fiers d'exercer leur droit civique, rapportent d'autres observateurs. Pour rappel, le Président actuel du Nigeria se présente à sa propre succession en compagnie de dix-neuf autres candidats, dont le plus connu est le général Muhammad Buhari. K. A.