Le printemps ne veut pas oublier ses générations. Le Mouvement culturel berbère (MCB) a organisé, hier en fin d'après-midi, à la salle Algeria, à Alger, une conférence-témoignages sur les événements d'Avril 1980. Le MCB a voulu rendre hommage aux militants de la cause identitaire et de la démocratie à travers les témoignages de certains des acteurs du Printemps berbère, incarcérés puis torturés par le régime en place. Et le régime a visiblement gardé ses réflexes d'oppression et de répression bien sûr, puisque l'autre Printemps, celui d'avril 2001 en l'occurrence, a subi un traitement plus sanglant et plus meurtrier. Le MCB, présidé par M. Ould Ali El Hadi, a donc fait la jonction entre les deux dates-anniversaires, l'affichant bien clairement sur une banderole : “Deux générations, un même combat.” La génération de 1980 a “donné une fièvre typique au régime”, se souvient Mourad Belouachrani, à l'époque étudiant et membre de la célèbre troupe musicale Debza, qui regroupait des étudiants de diverses régions du pays. Il se souvient surtout de cette question posée dans un des commissariats d'Alger après son arrestation : “êtes-vous kabyle ou arabe ?” “Je ne sais pas !”, avait-il répliqué. Mourad a d'ailleurs tenu à souligner l'apport “considérable de la communauté estudiantine de la capitale aux événements de 1980”. Ould Ali El Hadi avait commencé par rappeler la marche et l'itinéraire du combat identitaire, ainsi que les acquis du mouvement qu'il a mené. “L'introduction de tamazight à l'école et dans les médias de l'Etat et sa constitutionnalisation en tant que langue nationale sont des acquis trop importants pour être banalisés. Evidemment, nous demandons bien plus et nous attendons davantage du pouvoir”, a-t-il dit. Mohand Stiet, un des vingt-quatre militants arrêtés et emprisonnés après les manifestations, a souhaité carrément la création d'un secrétariat d'Etat à l'amazighité. Arezki About garde encore les marques de la torture sur plusieurs parties de son corps. Son âme est néanmoins restée éveillée, prête à rebondir pour la cause, la reconnaissance identitaire et la démocratie. Il se demande : “Je ne sais pas si je dois être triste ou heureux. J'étais heureux quand on a créé le MCB mais j'ai pleuré lorsqu'il a implosé. Le mouvement se conjugue aujourd'hui à quatre temps opposés. Si chacun d'entre nous était là où il fallait et quand il le fallait, si chacun avait tendu la main à l'autre, nous aurions certainement vécu un printemps fleuri en avril 2001.” A bon entendeur… L. B.