À l'instar des autres pays, l'Algérie est concernée par le blanchiment d'argent, particulièrement depuis que ses liens avec le terrorisme sont établis. Toutefois, le dispositif de lutte remonte au début des années 2000, alors que la phase opérationnelle est très récente. Alors que l'Algérie a été signataire de toutes les conventions internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, les résolutions du Conseil de sécurité, notamment celles adoptées après les attentats du 11 septembre, le dispositif interne n'a vu le jour qu'à la faveur de l'amendement du code pénal et du code de procédure pénale qui ont introduit ce crime. La lutte a effectivement commencé en 2002 avec la création du CTRF. Mais, anticipant sur les nouvelles formes de criminalité, la Gendarmerie nationale s'est penchée bien avant sur le problème en se préparant à cette nouvelle phase. Bien avant l'introduction du phénomène dans le code pénal, la GN a lancé des cycles de formation au profit de ses officiers, des formations spécialisées dans les techniques de blanchiment. Cette spécialité est intégrée dans l'Institut de criminologie et de criminalistique. Le commandant Remili, expert et doctorant sur le blanchiment d'argent à l'université de Lausanne qui occupe le poste de sous-directeur de criminologie spéciale, qualifie le blanchiment d'argent de “crime des crimes”, en ce sens qu'il génère d'autres crimes dans ses conséquences. “S'il n'y a pas un crime initial, il n'y aura pas de blanchiment d'argent”, dit-il. Outre le dispositif réglementaire relatif à la lutte contre ce phénomène, l'officier précisera que le blanchiment n'est pas l'utilisation d'un bien volé, mais plutôt le recours à des techniques pour dissimuler l'origine du bien volé. Des techniques qui visent à cacher ou brouiller les pistes sur l'origine criminelle du bien. D'où son insistance sur la formation qui est “le cheval de bataille”, selon lui. Les officiers sont formés dans les techniques de blanchiment et dans les moyens de lutte les plus efficaces. Au plan opérationnel, ces spécialistes viennent en appoint aux officiers de la Police judiciaire qui sont en charge de ces enquêtes “très complexes”. Les sections de recherches ont mené plusieurs enquêtes qui sont en instruction. Aucune d'elles n'a été jugée. Cinq ans après le début de ce combat, il relèvera d'abord qu'il ne s'agit pas d'une affaire relevant uniquement des services de sécurité, mais d'une affaire “de tout le monde”. Et d'appeler à la sensibilisation et à la prise de conscience, surtout des intermédiaires financiers, notaires, commissaires aux comptes, déclarants en douanes…, auxquels incombe l'obligation de la déclaration de soupçon. Les établissements financiers sont également concernés. À ce sujet, selon des informations, le CTRF n'a enregistré qu'un nombre très réduit de déclarations. Ce qui signifie que les intermédiaires ne sont pas encore suffisamment sensibilisés. L'officier de la gendarmerie mettra l'accent particulièrement sur la réforme bancaire, mais surtout sur la nécessité de quantifier la masse monétaire réelle qui circule en dehors du circuit financier. “La lutte efficace commence par l'estimation effective de la masse de monnaie en dehors du circuit financier”, a-t-il souligné précisant qu'il est un moyen pour établir la traçabilité de l'argent et identifier les opérations suspectes. Il a estimé, par ailleurs, que les actions menées sont insuffisantes et qu'il faut redoubler d'effort pour combattre ce phénomène qui a profité, au même titre que d'autres formes de criminalité, de “l'occupation” des forces de sécurité durant plus d'une décennie par la lutte contre le terrorisme et ont délaissé quelque peu les missions de police judiciaire pour “prospérer”. “À partir de 2000, d'autres phénomènes ont vu le jour. Cette criminalité s'est perfectionnée, d'où la nécessité de la formation et de la spécialisation pour la combattre”, a-t-il ajouté. Il a par ailleurs appelé à la vigilance sur le risque que l'Algérie devienne, à moyen et long terme, la cible et la destination finale de l'argent blanchi. “C'est une menace réelle”, dit-il. Un contrôle des sources des investissements devient, de ce fait, indispensable pour éviter ce risque, cela d'autant plus que le pays s'est ouvert à des investissements tous azimuts. La GN prend des initiatives, encouragées, mais a besoin d'une coopération étroite des autres institutions. Djilali B.