Animé par quatre experts espagnols, un séminaire de deux jours sur l'amélioration des conditions de détention et la réinsertion sociale des détenus se tient depuis hier à la Résidence des magistrats. La formation concerne 5 magistrats d'application de peines, 29 cadres des établissements pénitentiaires et de l'administration centrale et 6 cadres représentant les différents secteurs de l'Etat. Troisième volet du programme d'appui à la réforme de la justice cofinancé à raison de 15 millions d'euros par la Commission européenne et 2 millions d'euros par l'Etat algérien, la réforme pénitentiaire entre avec beaucoup de retard dans sa phase opérationnelle. La tenue d'une telle rencontre est en elle-même le meilleur aveu de la dégradation des conditions de détention dans les prisons algériennes qui n'offrent que peu de chances d'une réinsertion sociale réussie. Il existe dans le pays 127 établissements pénitentiaires implantés dans leur quasi-totalité autour des grandes villes. Ces structures datant dans leur majorité de l'époque coloniale ne respectent aucune norme de fonctionnalité, ni les critères de séparation des différentes catégories de détenus, qui constituent, aux yeux de la loi, un principe du fait de l'individualisation des peines et des traitements et une condition pour l'organisation fonctionnelle de leur réinsertion. À titre d'exemple, l'établissement de rééducation d'El-Harrach date de 1910, celui de Tazoult de 1852. Pourtant, la législation en la matière est très fournie. Le code de l'organisation pénitentiaire et de la rééducation consacre des chapitres entiers à l'organisation de l'enseignement, à la formation professionnelle, à l'assistance spirituelle, à l'assistance sociale, au service de la bibliothèque et au droit à l'information et au sport. Pourquoi s'inspirer de l'expérience espagnole pour concilier enfermement, amendement et préparation à la réinsertion sociale ? À cette question, M. Bourbala Mourad, responsable opérationnel au niveau de la Direction du programme d'appui à la réforme de la justice, répond que l'Espagne et en particulier les prisons de Catalogne, sont une référence en matière de prise en charge des détenus présentant des troubles psychiques et des toxicomanes. “Cela ne veut pas dire qu'on va transposer l'expérience espagnole. Nous avons nos spécificités que nous devons prendre en compte.” Notre interlocuteur pense qu'avec la mobilisation de 500 médecins généralistes pour 127 prisons, la couverture sanitaire est “correcte” et que des efforts restent à faire dans d'autres domaines. Questionné sur le montant de l'enveloppe budgétaire devant servir à améliorer les conditions de détention en Algérie, il affirme n'avoir pas d'informations sur le sujet. Il tient à souligner, néanmoins, que la tâche du personnel pénitentiaire ne se limite plus à la surveillance et à la répression. Il doit également assumer de nouvelles missions éducatives et sociales en collaboration avec une équipe spécialisée composée de psychologues, d'éducateurs, de travailleurs sociaux et des soignants. L'actuelle rencontre à la Résidence des magistrats a justement pour objectif de sensibiliser les travailleurs du secteur sur cet axe de la réforme pénitentiaire engagée par l'Algérie, en les formant dans le domaine des droits de l'homme, en matière d'aide et de soutien psychologique, de prévention d'actes de désespoir, de secours, de soins d'urgence et d'organisation de travaux éducatifs. Cet effort doit se faire, précise-t-on, sans verser dans des croyances naïves, faisant de tout prisonnier une personne apte à faire sa repentance et à se réinsérer socialement. N. H.