Les lycéens ne décolèrent pas. Ils ont démontré, encore une fois, qu'ils sont prêts à tout pour faire aboutir leur revendication : un allègement des programmes qui leur permettrait de passer le bac “dans des conditions sérieuses” Ils ont le souffle long. Ils sont infatigables et déterminés. Ils passent leur journée, depuis plus d'une semaine, à marcher, à se rassembler, à manifester contre le nouveau programme de la réforme. Plusieurs villes du pays ont été le théâtre de manifestations de lycéens. Le mot d'ordre de grève a fait tache d'huile. Partout, des élèves, armés de colères légitimes, ont séché les cours pour investir les rues. Ils dénoncent, au-delà de la réforme, qui hypothèque leurs chances de réussite au baccalauréat, le discours officiel. “On ne demande pas la lune, mais simplement d'alléger le programme. Benbouzid lui-même ne pourrait pas suivre les cours s'il venait à refaire son baccalauréat”, rétorque Zahia, en classe de terminale au lycée Bourkine d'Hussein-Dey et précise qu'elle était présente lors de la rencontre avec M. Khaldi, secrétaire général au ministère de l'Education. “Les responsables du ministère devraient nous prendre plus au sérieux. Nous n'avons plus rien à perdre, notre avenir est déjà en péril”, ajoute-elle. Rappelons qu'avant-hier, les lycéens ont menacé de revenir le lendemain et le surlendemain jusqu'à ce qu'ils obtiennent gain de cause. Promesse tenue, puisqu'ils étaient en temps opportun au rendez-vous. Hier, encore, ils se sont rassemblés devant leur établissement et ont même improvisé des marches vers le siège de l'annexe du ministère de l'Education nationale située au Ruisseau. Ils sont à nouveau passés à l'action après “l'opération forcing” de samedi dernier. Encore une fois, c'était une marche très imposante. Des centaines d'élèves, venus des alentours de la capitale, se sont vu bloqués au niveau de l'autoroute de La farge et de la gare de routière du Caroubier. Rien ne les arrête, même pas la distance. Le tablier à la main, afin de démontrer que ce sont des lycéens, le cartable sur le dos, ils ont traversé plus d'une vingtaine de kilomètres pour rejoindre leurs camarades devant l'annexe du département de Benbouzid. Bloqués au niveau des arrêts des bus Ils sont venus à pied de Rouiba, Dar El-Beïda, Bordj El-Kiffan, Cinq-Maisons, El-Harrach car l'accès au transport leur a été interdit par les éléments de la Sûreté nationale. “Des policiers ont été postés au niveau des stations de transport, et ils nous ont interdit l'accès aux autobus afin de ne pas rejoindre la capitale. Mais rien ne nous empêchera, nous sommes venus à pied sur l'autoroute. Les élèves de Bab-Ezzouar ont suivi les rails ferroviaires pour arriver au Ruisseau, s'il le faut, nous allons marcher dans les 48 wilayas pour nous faire entendre !”, déclare Billal. Il a fallu l'intervention des forces antiémeutes pour les dissuader de ne pas envahir l'annexe du ministère. Il était 12h, plusieurs centaines de lycéens ont été regroupés par la police dans l'espace vert face au siège du ministère de l'Education abritant également l'Unesco. Ils ont passé une bonne partie de la matinée sous une garde policière. Les employés du département de Benbouzid, qui regardaient par les fenêtres, ont eu droit, à une véritable démonstration de force et une leçon de détermination de la part des lycéens. Alors que leurs camarades étaient bloqués au Ruisseau, les lycéens de la capitale ont envahi la place Audin jusqu'au parc Sofia. Les terminales de Bab El-Oued sont, eux aussi, passés à l'action. Une situation qui a nécessité l'intervention de la police pour maintenir la fluidité de la circulation automobile qui a bloqué la grande artère de d'Alger-Centre. “Benbouzid n'est pas conscient de la situation. Sa réforme est une catastrophe, il doit comprendre une bonne fois pour toutes que nous ne sommes pas des machines”, précise Sonia, élève du lycée ex-Séminaire et d'ajouter : “Alors que notre avenir est en jeu, et ils ne trouvent rien de mieux à faire que de parler d'exploitation de notre mouvement à des fins politiques. Il faudrait qu'ils sortent un peu de leurs bureaux, ces gens-là”. Ces élèves de terminale, parfaitement organisés, ont continué à marcher jusqu'à ce qu'ils arrivent au niveau de la Direction de l'éducation du centre d'Alger où ils ont observé un sit-in d'une demi-heure. “Comment voulez-vous qu'on étudie ce programme, alors que le ministre lui-même a relevé jeudi dernier des erreurs dans les livres scolaires. Ces leçons ne nous sont pas destinées. Nous pouvons ni suivre ni assimiler autant de cours, car nous sommes issus du système fondamental”, ajoutent-ils à l'unanimité. Nabila Afroun