Dans la guerre livrée au terrorisme, ce volet de l'avis religieux, jusque-là négligé, semble maintenant bénéficier d'un certain intérêt de la part des autorités algériennes. Ayant certainement pris conscience que la lutte contre le terrorisme ne peut se suffire de mesures d'ordre sécuritaire et militaire et même politique, les autorités ont décidé de passer à une autre vitesse pour contrer le terrorisme islamiste. Cette fois-ci, c'est sur le terrain du débat religieux que le gouvernement a préféré transposer la bataille pour combattre la propagande islamiste par des avis religieux émis par d'éminentes personnalités. L'information a été révélée par le quotidien londonien Esharq El-Awsat qui reprend un débat qui a lieu sur les ondes de la radio du Coran. Cinq personnalités religieuses dont deux Algériens, en l'occurrence Ahmed Saïd Belaïd Ben Abi Saïd et Nabil Mustapha El-Osmani ont participé à l'émission “Tahdhir min attakfir wa ettafdjir”, aux côtés des cheikhs Abou Hazem Adnane Arour d'Arabie Saoudite, Abou El-Hareth Ali Hassan Abdelhamid El-Halabi de Syrie et Abdelmalek Ramdani, un Algérien installé en Arabie Saoudite. Le débat tend à répliquer aux arguments religieux de l'organisation terroriste Al-Qaïda pour le Maghreb islamique qui s'est toujours appuyée sur des fetwas douteuses émises par ses propres conseillers et visant à justifier le terrorisme en Algérie y compris les actions kamikazes. Dans la guerre livrée au terrorisme, ce volet de l'avis religieux jusque-là négligé semble maintenant bénéficier d'un certain intérêt de la part des autorités algériennes. D'après le journal Esharq Al-Awsat, les avis émis par ces personnalités religieuses lors de l'émission seront reprises et répandues, à travers des tracts, dans les montagnes et maquis terroristes. Il ne s'agit pas seulement de tenter, par le biais de cette opération, de convaincre les membres des groupes armés encore en activité de l'illégitimité de leurs actes du point de vue religieux, mais de répliquer également aux organisations terroristes qui ont investi le réseau Internet pour diffuser à grande échelle leur propagande. Lors de cette émission, les intervenants ont tenté donc de battre en brèche les arguments développés par la nébuleuse pour justifier la mort de civils dans les attentats et autres actions terroristes. Dans une allusion aux fetwas sur lesquelles s'appuient les groupes armés pour légitimer leurs forfaits, cheikh Abou El-Harith Abou El-Hassan a estimé, à ce propos, que “ces actes (les actions kamikazes) ne reposent sur aucune preuve ni prétexte valable, mais plutôt sur des désirs et des élucubrations”. Il s'en est ensuite pris à la direction de l'organisation terroriste qui avait accusé des personnalités musulmanes de premier plan d'allégeance aux régimes arabes. “Ils ont lancé un chapelet d'accusations contre de grandes personnalités comme El-Albani, Ibn Baz et Ibn Outhaimin. Ça, c'est la logique de celui qui est incapable de répliquer à l'argument par l'argument”, assène-t-il. Pour sa part, Abdelmalek Ramdani, auteur de plusieurs ouvrages dénonçant les idées véhiculées par la mouvance salafiste djihadiste, a préféré, lui, revenir sur les avis religieux douteux de l'organisation armée justifiant la mort de civils dans les actions terroristes menées contre les bâtiments publics et les sièges des services de sécurité. “Ceux qui appellent au djihad commettent une très grave erreur lorsqu'ils font la promotion de cette idée qu'aucun des ulémas n'a jamais formulée”, soutient-il, qualifiant les auteurs des actions kamikazes de “lâches qui commettent le crime et se présentent en donneurs de leçons”. Cheikh Ali Hassan Abdelhamid affirme, de son côté, que “les actions ciblant des infrastructures publiques sous prétexte d'affaiblir le régime en place ne font qu'accentuer les difficultés des musulmans”. “Si une centrale électrique est détruite sous prétexte de rendre vulnérable le régime en place, elle sera dans tous les cas reconstruite et par des étrangers. C'est l'argent de la nation qui est gaspillé”, relève-t-il. Plus loin, il qualifie les salafistes djihadistes de “lâches” et les accuse “d'empêcher la nation de relever sa tête”. Par le biais de ce débat, les autorités veulent placer le débat sur un terrain qui est propre à la mouvance islamiste. La tâche paraît ardue face à des membres d'une organisation terroriste qui semblent dans une logique suicidaire et il serait, par conséquent, étonnant qu'ils soient prêts à écouter un discours autre que celui qu'on leur a toujours servi. Leurs positions à l'égard des politiques de réconciliation prêchées par le pouvoir démontrent en tout cas l'ampleur atteinte par le travail d'endoctrinement islamiste. L'on peut s'interroger malgré tout sur l'impact que pourrait avoir cette campagne sur des groupes armés qui n'ont pas eu d'ouïe à des édits religieux émis par d'éminentes personnalités du monde musulman, à l'image de cheikh Al-Qaradhaoui. H. Saïdani