Liberté : Devant les affaires liées à l'urbanisme, nous avons l'impression que la justice est complètement désorientée. Cela est-il dû au vide juridique ou à l'incompétence de certains juges ? Abdallah Slaim : Il existe effectivement un vide juridique. En ce qui concerne le permis de construire, il n'y a pas de texte de loi qui donne l'attribution au magistrat de faire une injonction à l'administration de délivrer un permis de construire. Simplement, il y a une jurisprudence constante. Comment ? Au niveau du Conseil de l'Etat, il y a la spécialisation des chambres et la chambre que j'ai l'honneur de présider est spécialisée dans l'urbanisme. La jurisprudence constante est que je peux ordonner à l'APC de délivrer un permis de construire, lorsque j'ai entre les mains un dossier complet et lorsque tous les services concernés ont émis un avis favorable. Partant du fait que le droit au logement est un droit constitutionnel. Pourquoi le président de l'APC ne donne pas de permis quand toutes les conditions légales sont réunies ? Le vide juridique se situe à ce niveau. Le nouveau code de procédures civiles et administratives qui vient d'être adopté par le Sénat est venu combler ce vide en autorisant le juge à faire injonction au président de l'APC et en lui donnant le pouvoir de le condamner à l'astreinte. Seulement, ce nouveau code n'est pas encore publié dans le Journal officiel, et donc nous ne pouvons pas l'appliquer. Il n'entre en vigueur qu'à partir d'une année de sa date de publication. Dans le cas où le président de l'APC délivre un permis de complaisance, quel est le rôle du juge ? Je procède à l'annulation de l'acte de construire en tant que juge de l'égalité. Effectivement, ce genre de comportement est légion. Surtout en période électorale. Vous avez un président d'APC qui délivre un permis de complaisance à cause des élections. Le maire qui lui succède ne peut pas annuler ce permis, les quatre mois passés après sa date de délivrance. Il doit intenter une action en justice. Une association peut également le faire. Prenant l'exemple de la décharge de Ouled Fayet ; le juge a ordonné sa fermeture sur la base d'une plainte d'une association. Avez-vous toujours besoin du rapport d'un expert pour vous prononcer ? Quelques affaires demandent une expertise. Supposez que la parcelle de terrain se trouve sur un site historique. La loi est claire à ce propos. Elle exige qu'il y ait 200 mètres entre le site et la parcelle de terrain. Supposez que cette distance n'a pas été respectée, que la parcelle se trouve sur un espace vert. J'ai besoin d'un avis technique, celui d'un expert pour trancher. Qu'en est-il des décisions de démolition ? Qui peut ordonner la destruction d'une bâtisse quand le président de l'APC tergiverse ? Le permis de construire, c'est le statu quo, jusqu'à l'entrée en vigueur du code de procédures civiles et administratives. Pour ce qui est de la démolition, nous avons un décret législatif sur l'architecture dans ses articles allant de 52 jusqu'a 54, dans lequel il a été prévu la procédure que doit suivre l'APC avant toute démolition. En l'occurrence un PV de constat, un avertissement et une mise en demeure pour cesser les travaux puis procéder à la démolition. À une certaine époque, l'APC ne voulait pas procéder aux travaux de démolition. Elle intentait alors une action judiciaire contre X pour demander la démolition d'une construction illicite. Les magistrats refusaient cette demande au motif que la loi donne cette attribution au président d'APC. Nous intervenons, au niveau de la troisième chambre du Conseil d'Etat, lorsque nous sommes saisis en appel. Je dis que la loi n'empêche pas le juge d'ordonner la démolition qui relève, certes, du domaine du maire. Maintenant la loi 04-05 a annulé les articles 52, 53 et 54 et a exigé à l'APC de procéder à la démolition. Si elle ne le fait pas dans un délai de huit jours, c'est le wali dans les trente jours qui doit le faire sur la base d'un compte rendu de l'agent de contrôle qui dresse un PV de démolition d'une bâtisse sans permis de construire. La deuxième hypothèse est que nous sommes en face d'une construction non conforme au permis délivré par les autorités compétentes. Dans ce cas, c'est le juge pénal qui est compétent, et non le juge administratif. Le juge pénal doit ordonner la mise en conformité de la construction au permis de construire délivré. Sinon, il doit ordonner la démolition. N. H.