Plus de 80 millions de Pakistanais sont appelés à voter demain dans des élections cruciales pour la seule puissance nucléaire du monde musulman en proie à une profonde crise politique et à une vague sans précédent d'attentats d'islamistes proches d'Al-Qaïda. La campagne aura été quasiment inexistante par peur d'attentats islamistes et en raison du désintérêt manifeste de la population. Les manifestations, réunions publiques ainsi que les rassemblements électoraux ont été réduits à leur plus simple expression. Le pays est tétanisé par les assassinats et le tour de vis du pouvoir. Le parti qui soutient le président Musharraf, ainsi que ceux de l'ex-Premier ministre assassinée Benazir Bhutto et de l'opposant Nawaz Sharif, ont dû se contenter de tenir un meeting devant des parterres vides. Le Parti du peuple pakistanais, maintenant dirigé par le veuf de Mme Bhutto, Asif Ali Zardari, a dénoncé par avance des élections truquées, tout en laissant la porte ouverte à un éventuel gouvernement de consensus national avec Musharraf. Mais le problème est qu'il ne fait pas l'unanimité au sein de son propre parti, il avait fait l'objet de poursuites judiciaires pour affairisme lorsque son épouse était Premier ministre. Le PPP se déchire l'héritage de Benazir Bhutto. Chez Nawaz Sharif, c'est moins turbulent. Islamiste modéré, il pense capter tout l'électorat de cette large mouvance. Ce qui n'est pas évident. Il reste que ce scrutin est d'autant plus important que le Pakistan est placé depuis des mois sous très haute surveillance de la communauté internationale. Les Etats-Unis, qui attendent avec anxiété les élections, ont multiplié les commentaires et les pressions sur Musharraf, leur allié-clé dans leur guerre contre le terrorisme. Washington juge en effet que les fondamentalistes menacent un Etat essentiel pour la stabilité de la région et qu'Al-Qaïda et les talibans ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest frontalières avec l'Afghanistan. Le président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain, le démocrate Joseph Biden, qui conduit une équipe de parlementaires devant observer sur place le scrutin, a jugé que son pays devrait réduire l'aide militaire au Pakistan si les élections étaient manifestement truquées. Quelque 81 000 soldats ont été déployés en renfort dans tout le pays pour assurer la sécurité des 64 000 bureaux de vote et du millier d'observateurs internationaux et de journalistes, a indiqué le porte-parole de l'armée, le général Athar Abbas. D. B.