En fonction de leurs revenus, les particuliers doivent arbitrer entre le prêt pour l'acquisition du véhicule, plus facile, et le crédit pour l'achat ou la construction d'un logement, moins accessible. Pourquoi est-il plus facile de financer l'acquisition d'une automobile ou d'un téléviseur que d'une maison ? Est-ce que l'Etat doit aussi éduquer le consommateur ou est-ce qu'en rendant l'argent moins cher, le consommateur pensera à un toit avant tout ? Si les banques privées sont les principales offres de crédit à la consommation, seules les banques publiques offrent les crédits à l'immobilier. L'industrie, pardon, l'importation de voitures est une activité fort lucrative, il y en a pour toutes les bourses ; pour 400 000 DA à 4 000 000 DA, vous avez votre voiture. Même si a priori l'acquisition d'un véhicule reste un investissement pour certains, la possibilité de financement a permis d'augmenter la demande. L'offre a suivi, car les importateurs ont pu trouver des financements bancaires du type L/C et ainsi acheter en grandes quantités sur la base de carnets de commandes sécurisés par les arrhes déposées par les acheteurs. En effet, les termes du financement de l'importation, en général, sont quand même plus flexibles que ceux du financement de la construction : la banque prête à l'importateur sur le court terme, qui vend au consommateur sur le très court terme et d'autres banques financent l'achat du consommateur sur le moyen terme (moins de cinq années). Le risque de défaut est moindre et au pire des cas, on peut saisir le véhicule et le revendre sans grande procédure. L'industrie du bâtiment, par contre, n'arrive pas à suivre la demande et ici le schéma est plus complexe. Au début de la chaîne, les promoteurs/développeurs, publics ou privés, vont essayer de financer leurs projets auprès des banques et c'est là que le bât blesse. Il est très difficile et donc plus cher pour eux de se financer : les montants sont plus grands, le capital des banques étrangères pas assez important pour les financer, la durée de construction plus grande, le cadre légal et notarial pas encore sécurisé. Du coup, moins de maisons-appartements sont proposés et donc l'offre diminue, alors que la demande a toujours été importante. Un phénomène de rareté s'installe, les prix grimpent et le coût du logement grimpe aussi. Les montants étant plus importants, la durée de l'emprunt augmente et les hypothèses relatives aux revenus de l'emprunteur, à la valeur du bien et au climat économique sont plus nombreuses, plus volatiles. En bref, le paiement de l'intérêt est moins sûr, ou plutôt sa perception. Confiance en demain : les comparatifs Est-ce que quelqu'un parmi nous peut prétendre que la croissance économique en Algérie sera constante, ou du moins positive et que un jour, tout le monde en bénéficiera ? Personne. Et c'est bien cela le problème, il n'existe aucun élément macroéconomique ou microéconomique qui laisse percevoir que l'agent économique où le salarié moyen, emprunteur potentiel, bénéficiera d'un emploi stable et d'un salaire convenable lui permettant d'acquérir un logement. Si l'on peut définir un emploi stable, il nous reste à apprécier un salaire convenable. On sait qu'un LSP coûte à l'Etat 25 000 DA/m2, soit pour 120 m2 (normalement un LSP fait 95 m2) un montant de 3 millions de DA qui seront prêtés sur 25 ans à 5% de l'an pour un acquéreur potentiel, soit une mensualité de 17 500 DA, et ce, dans les meilleures conditions. Or, en effectuant une simulation de crédit en ligne pour l'acquisition d'un véhicule de 900 000 DA avec un apport de 100 000 DA sur 6 années, on trouve une mensualité de 18 500 DA… très proche. Si aujourd'hui cette mensualité représente la tranche supérieure de la totalité du salaire d'un petit fonctionnaire et 40% du salaire d'un médecin spécialiste, il est clair que le petit fonctionnaire achètera d'abord le véhicule et le médecin l'appartement. Les conditions d'octroi d'un emprunt auprès de la banque référence de l'immobilier sont assez strictes : au moins 20% d'apport et une mensualité inférieure à 30% du salaire du ménage. Donc, il faudrait que l'emprunteur, ou le ménage, offre un salaire mensuel minimum de 54 000 DA. On en conviendra, cet emprunteur référence ne représente que 7 à 10% des ménages existants. Le petit fonctionnaire n'a donc comme seule stratégie que d'épargner un maximum de son salaire pour augmenter le montant de l'apport initial afin de diminuer le montant à emprunter, et donc la mensualité. Le rôle de l'Etat, l'utilisation des liquidités, l'éducation de l'emprunteur L'Etat fait déjà beaucoup : maintenir le m2 à 25 000DA est unique. L'Etat propose aussi des taux bonifiés à l'acquisition d'immobilier (moins de 4% l'an) pour ses fonctionnaires afin d'utiliser les surliquidités présentes dans les banques publiques, c'est très bien, mais l'effort doit être dans l'aide à la promotion immobilière. Il faut lâcher le foncier au dinar symbolique et contrôler l'émergence de pôles immobiliers pour être sûr que la demande va être satisfaite. Les surliquidités devraient d'abord servir à créer des logements avant de pouvoir financer leur acquisition. La libéralisation du marché du ciment, de l'acier et l'augmentation des prix en général vont coûter à l'Etat beaucoup d'argent pour maintenir un prix au m2 à 25 000DA, alors qu'il en coûte au privé entre 90 et 160 000 DA le m2 construit. Ce sont les banques publiques qui sont en situation de surliquidités, et non pas les banques privées. Leur capital social ne leur permet pas de financer de grands projets immobiliers, et il leur serait préjudiciable de se lancer dans le crédit immobilier au particulier : leur capacité à provisionner n'est pas comparable à celle des banques publiques, et c'est une activité à trop long terme pour ces banques. Rien ne dit qu'elles seront encore là demain. Dans ce climat, il est donc plus facile d'acheter une voiture qu'une maison. L'Algérien est raisonnable : à capacité égale, il aurait acheté l'appartement d'abord puis la voiture, puis encore un appartement… s'il n'a pas déjà trop emprunté pour la télévision, le réfrigérateur, le sèche-linge, etc. Safou Djamel