Il a accepté la mission sans en référer aux instances du RND. La nomination de Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement en remplacement de Ali Benflis continue d'alimenter les commentaires et les conjectures. Le choix porté par le président Bouteflika sur le leader du RND aussi bien que l'acceptation de celui-ci demeurent de véritables énigmes. Aucune raison apparente, en effet, ne plaidait en faveur de cette nomination, encore moins pour son acceptation. Dans les arguments qui contredisaient cette thèse, le plus éloquent est le rapport qu'a entretenu le chef de l'Etat avec le parti de Ouyahia. Bien que majoritaire, le RND a été superbement marginalisé par Bouteflika au profit du FLN. Le concept de concorde nationale lancé par Bouteflika, en janvier 2001 à partir de Batna, constitue l'exemple le plus parlant à cet égard. Ce concept avait suscité de la part d'Ouyahia la réaction d'un opposant pur et dur. La désapprobation d'Ouyahia à ce concept qu'il avait qualifié de contrat de Rome bis l'avait poussé jusqu'à instruire les militants de son parti de ne pas rejoindre les comités de soutien au Président qu'il a même qualifiés de “folklore”. A quels objectifs obéit donc la désignation de Ouyahia ? La raison la plus probable est celle de la préparation de la présidentielle 2004 puisque c'est pour cette même raison que M. Benflis a été démi de ses fonctions. Dans l'entourage du nouveau Chef du gouvernement, on soutient que “Ouyahia est l'homme des situations difficiles”. Placide, déterminé et sans état d'âme, Ouyahia a eu, en effet, à plusieurs reprises, à prouver sa ténacité devant les situations les plus incertaines. C'est pour cela que Bouteflika a porté son choix sur lui, disent certains. La seconde hypothèse consiste pour Bouteflika à s'appuyer sur le RND comme soutien politique pour prétendre à un second mandat, après avoir été lâché par le FLN. Selon certaines indiscrétions, Bouteflika ne compte pas sur ses comités de soutien pour s'adjuger un second mandat, mais plutôt sur une formation politique. Cette hypothèse paraît assez invraisemblable pour certains, eu égard à l'écart des visions politiques qui caractérisent Bouteflika et Ouyahia. L'autre supposition que n'excluent pas les observateurs est l'alignement de Bouteflika sur les positions de l'armée. L'institution militaire aurait, soutiennent certains, persuadé Bouteflika d'abandonner son projet de concorde nationale. Ce qui aurait alors motivé l'acceptation d'Ouyahia. Mais des sources crédibles affirment que le leader du RND n'a obtenu aucune approbation de l'institution militaire pour ce faire. Cela signifie que M. Ouyahia a agi à titre personnel pour l'une ou l'autre des deux raisons : soit convaincu de ses propres capacités à sauver la République et à résorber la crise nationale, ou alors en raison d'un deal qu'il aurait contracté avec Bouteflika en prévision de la présidentielle 2008. D'autant plus que les mêmes sources rappellent que le patron du Rassemblement national n'a pas sollicité l'aval de son conseil national, instance suprême du parti entre les deux congrès. Tout cela intervenant à quelques jours du deuxième congrès de son parti, celui-ci promet des explications houleuses, dit-on. N. M.