Elle est sans doute l'un des lieux de culte les plus contrôlés du Royaume-Uni. Télésurveillance, alarme, rondes policières, l'ancien bunker des extrémistes religieux, où d'innombrables djihadistes ont fait leurs classes, opère sa mue. La prière du dohr vient de s'achever. Les fidèles quittent peu à peu la mosquée. Un petit groupe s'attarde quelques instants devant l'entrée. À l'extrémité de la placette qui jouxte le lieu de culte, trois policiers en uniforme sont postés. Aucun mouvement particulier n'est perceptible. Rock Street, la rue adjacente, est pratiquement déserte en cette journée d'hiver. Imbriquée dans l'ensemble architectural local, la mosquée, un bâtiment de trois étages, pourrait passer inaperçue sans la coupole et le minaret qui la distinguent. Pourtant, c'est ici que les islamistes radicaux, dont des Algériens, ont érigé leur QG. En 2004, l'Egyptien Abu Hamza est cueilli devant l'édifice par Scotland Yard, en même temps que ses adjoints. Des tracts, du matériel électronique, de l'argent et des armes sont saisis. “C'était un lieu de tous les trafics”, relate Abdelhamid, superviseur de la mosquée. Il s'occupe de la gestion administrative et assure la sécurité de l'institution religieuse. Son arrivée est intervenue suite à sa réouverture. La mosquée, qui avait été fermée après l'arrestation d'Abu Hamza, était mise sous scellés pendant deux ans. En signe de rébellion, les islamistes s'amassaient sur la placette pour faire la prière. Aujourd'hui, les fidèles ont la stricte interdiction d'accomplir leur rite dans la rue. Mise sous le contrôle de la Rabita Islamia, un trust religieux qui a des ramifications au Qatar, le lieu de culte officiellement baptisé The North London Mosque est placé sous haute surveillance. Deux imams désignés par le trust se sont succédé à sa tête. Le premier, un Somalien, n'a pas fait long feu car il accusait de grandes lacunes en arabe et en anglais et avait du mal à communiquer avec les fidèles. Le second, un Egyptien recruté à l'université d'El-Azhar, a pris la relève depuis six mois. Bien que ses sermons ne soient pas soumis à un comité de lecture, il est comptable de la moindre dérive dans ses discours. “Ses prêches sont ordinaires”, assure Abdelhamid. Outre son expérience — auparavant, il était administrateur de la mosquée de Hyde Park —, il a été muté à Finsbury Park, en partie, parce qu'il est Algérien. “Il y a beaucoup de compatriotes ici. Je connais leur mentalité et je suis mieux placé pour les comprendre”, argue-t-il. Abdelhamid avoue avoir eu des appréhensions en apprenant son transfert à la mosquée de Finsbury Park. “Elle avait une très mauvaise réputation”, dit-il. Richard Reid, le terroriste à la chaussure qui avait été arrêté à l'aéroport de Londres alors qu'il projetait de faire exploser un avion au vol, et Moussaoui, coaccusé dans les attentats du 11 Septembre 2001, y ont transité. Après l'ouverture du lieu, certains de ses anciens occupants ont tenté de la réinvestir. En vain. Sa mise sous le contrôle des services de sécurité a fait fuir les plus obstinés. Les trois étages du bâtiment, y compris la salle de prière, sont truffés de caméras de surveillance. Abdelhamid dispose dans son bureau d'une alarme qu'il peut actionner pour prévenir la police en cas de danger. Près de 3 000 fidèles fréquentent la mosquée. Parmi eux des Pakistanais, des Somaliens et beaucoup d'Algériens. À l'origine, les Pakistanais, qui ont grandement contribué à la construction de l'édifice, étaient prépondérants. Mais Abu Hamza les a chassés par l'invective et la menace. Afin d'extirper cet épisode funeste des mémoires, la mosquée fait peau neuve. Des portes ouvertes y ont été organisées pendant le dernier Ramadhan. Les riverains, dont les policiers du quartier, ont été invités à partager le f'tour avec les fidèles dans l'un des compartiments du bâtiment transformé en salle de restauration. Par ailleurs, la mosquée propose des cours de Coran et d'anglais. Elle a également aménagé des classes de préscolaire et finance une salle de karaté dans le quartier. À Finsbury Park, existe une autre mosquée, Dar Eriaya El Islamia, contrôlée par l'organisation des Frères musulmans. Pour attirer la sympathie des autorités locales, ses responsables prônent un islamisme édulcoré. Par ailleurs, ils multiplient les actions caritatives en direction de la communauté musulmane. Dans tout le Royaume-Uni, 2 millions de musulmans sont recensés. À majorité sunnite, ils représentent 3% de la population. 750 000 résidents à Londres où diverses chapelles islamiques plus ou moins innocentes se disputent leur allégeance. S. L.-K.