Les propriétaires des magasins ont été destinataires de formulaires qu'ils devront remplir pour faire le bilan du saccage et des saisies d'argent dont ils ont fait l'objet durant la descente des services de sécurité à Finsbury Park, il y a une dizaine de jours. Cinquante mille livres est la somme que les agents de la police métropolitaine ont emportée avec eux à l'issue de l'opération qu'ils ont menée à Black Stock Road, le quartier algérien de Finsbury Park, au nord de Londres, le 27 mars dernier. Si une partie de l'argent, d'origine douteuse, a été saisie dans des cachettes appartenant à des trafiquants, la seconde tranche provient des tiroirs-caisses et des coffres-forts des commerçants algériens, suspectés, sans grande certitude, de blanchiment d'argent. Au cours de leur incursion musclée dans les magasins — une vingtaine sur quarante-huit enseignes répertoriées — les officiers de Scotland Yard ont soumis les commerçants à des interrogatoires incommodes, suggérant même que leurs recettes servent au financement des groupes terroristes. Lors d'une rencontre entre la police et les propriétaires des magasins, cette semaine à Finsbury Park, Bob Carr, le commandant en chef de l'intervention, a fait son mea-culpa, laissant clairement entendre que ses services n'avaient nullement l'intention de jeter l'anathème sur la communauté des commerçants du quartier. En guise de réparation, son département s'est engagé au dédommagement des marchands. À cette fin, des formulaires ont été distribués aux concernés pour faire le bilan des pertes qu'ils ont enregistrées. Outre l'argent saisi, les commerçants ont eu à déplorer le saccage de leurs locaux et la destruction d'une partie de leur marchandise. Sans compter les pertes à gagner entraînées par des décisions de fermeture arbitraires. Toutefois, aux yeux des détaillants, la réparation matérielle demeure sans grande valeur, en l'absence d'excuses en bonne et due forme. Bien qu'elle reconnaisse quelques dérapages, la police, pour sa part, insiste sur le bien- fondé et l'opportunité de son opération. Le commandant Carr a rappelé aux commerçants que ses éléments sont intervenus en partie suite à leur demande visant l'élimination des foyers de délinquance à Black Stock Road. Quatre jours après la rafle, une dizaine de propriétaires de magasins se sont réunis dans la mosquée locale pour se concerter sur une action commune visant la réparation du préjudice qu'ils ont subi. Une action en justice contre les services de sécurité était même envisagée. Les commerçants ont obtenu le soutien de l'ensemble des élus travaillistes à la mairie d'Islington (dont dépend Finsbury Park) et à leur tête Jeremy Combyn, représentant de la circonscription à la Chambre des communes. Pour rappel, six cents policiers et plusieurs agents des services de l'immigration avaient pris part au raid. Plus de soixante-dix individus avaient été arrêtés, dont un grand nombre a été mis en liberté provisoire. Des équipements électroniques, dont des téléphones et des micro-ordinateurs portables ainsi que des Ipods, des faux documents et une grande quantité d'héroïne d'une valeur de deux cent mille livres ont été saisis. Quatre personnes d'origine algérienne ont été arrêtées à Wood Green, une localité proche de Finsbury Park. EIles tenaient un atelier de trafic de faux passeports et permis de conduire. Selon certaines sources, la crainte d'une jonction entre le crime organisé et le financement de cellules terroristes est la principale motivation de la descente des agents de Scotland Yard dans le quartier algérien de Londres. “Il existe des endroits beaucoup plus dangereux que Finsbury Park à Londres. Mais jamais, ils n'ont fait l'objet d'une rafle aussi spectaculaire”, confient des sources. Déjà truffé de caméras de télésurveillance, l'ancien fief du prédicateur égyptien Abou Hamza et des activistes islamistes algériens fait l'objet d'un contrôle plus accru. Des effectifs policiers supplémentaires y ont été déployés depuis le raid. S. L.-K.