Toute politique sensée de santé publique se base sur des données épidémiologiques chiffrées. Or, en Algérie, cela n'existe pas encore. Cette méconnaissance épidémiologique fausse tous les calculs et les prévisions des politiques et annihile les efforts des équipes thérapeutiques qui se retrouvent à prendre en charge un nombre de plus en plus important de patients. Pour les spécialistes, le but de toute politique de santé, ce ne sont pas les moyens matériels et humains à mettre en branle pour réaliser des actions ponctuelles devenues urgentes, mais plutôt de commencer par cerner tous les problèmes du sujet avec les concernés avant de choisir l'option la mieux indiquée. Or, en Algérie, la prise en charge du cancer semble être juste considérée sous son aspect matériel. Construire des centres anticancéreux et les équiper des derniers équipements de radiothérapie et de radiodiagnostic paraît satisfaire les décideurs qui pensent ainsi avoir réglé le problème. Le cancer, contrairement aux autres pathologies, nécessite, certes, des moyens, mais à mettre en branle de façon concertée et harmonieuse. La moindre tumeur maligne exige la mobilisation d'une équipe médicale multidisciplinaire (radiologie, radiothérapie, chirurgie, anatomie, pathologie, chimiothérapie, psychologue, etc.). En Algérie, les malades sont traités dans des services avant d'être envoyés pour complément de soins dans des hôpitaux des autres wilayas. Comment seront pris en charge ces patients dont les médecins ne se sont jamais vus pour étudier le dossier de chacun ? Tous ces problèmes ont été soulevés lors des journées de la Société algérienne d'oncologie thoracique qui se tiennent depuis hier à la Bibliothèque nationale d'El-Hamma à Alger. Le président de la société savante, le Dr Ameur Soltane, connu pour sa passion pour la prise en charge du cancer et aussi son franc-parler, à tenu à remettre en cause les données actuelles sur la maladie. “Les chiffres donnés sont biaisés et il faut que l'Institut national de santé publique devienne une véritable banque de données fiables”, affirme-t-il. Concernant le cancer du poumon, il espère une politique de prévention pour diminuer le nombre de malades. “90% des cancers du poumon ont pour cause le tabagisme, et il est indispensable de mener des campagnes de sensibilisation. Le cancer du poumon est d'un très mauvais diagnostic car seuls 80% des personnes atteintes ont une survie de 5 ans.” Lui aussi espère la mise en place de comités médicaux pour la prise en charge des malades, seul moyen de coordonner les moyens de manière efficace. Mais comme pour bon nombre de maladies, la prévention existe, il faut pour cela lutter contre le tabagisme et l'alimentation non équilibrée, car trop grasse, sucrée ou salée. SaId Ibrahim