Il n'y a pas longtemps, le ministère de l'Environnement annonçait que, désormais, des pénalités allaient frapper les entités coupables d'actes de dégradation de l'environnement. Avec le déversement, Naftal vient de lui donner l'occasion de mettre en œuvre le principe pollueur-payeur. Ce ne serait pas sérieux de vouloir faire croire qu'un régime, qui en est encore à adosser son marketing à ses dépenses et à ses réalisations physiques, puisse s'embarrasser de considérations écologiques. Au nom du chiffre d'affaires, le fioul doit continuer à couler dans le port d'Alger. Sinon, il faudrait condamner, ne serait-ce qu'un temps, le pipe qui fuit. Il devait y avoir quelques raisons d'hésiter à défoncer le parc d'El-Kala, si le ministère des Travaux publics a attendu que la mobilisation s'assoupisse avant de reprendre la percée du dernier patrimoine naturel jusque-là préservé. Mais ces raisons n'ont pas dissuadé la tutelle de choisir la voie de la facilité pour tracer son emblématique autoroute. Qu'importe ! Quand il sera question de ses dégâts écologiques, ce gouvernement ne sera plus là. Qui songerait à demander à Belaïd Absdeslam des comptes sur le massacre des plaines d'Arzew et de la Mitidja, l'insécurité industrielle de Skikda ou le non-sens urbanistique de Hassi-Messaoud ? Le redéploiement tardif et anachronique de l'industrie pétrochimique qui, croit-on savoir, va sacrifier la baie de Ghazaouet n'est qu'une répétition de cet insoucieux traitement infligé au territoire pour cause d'“industries industrialisantes”. Comme Chakib Khelil nous a expliqué qu'il se projette à l'horizon 2040, il n'est pas question de l'interpeller par anticipation sur ce nouveau carnage annoncé, pour cause de “stratégie industrielle”. Le ministre de l'Energie, qui connaît déjà le prix des hydrocarbures dans les futures années 40, n'envisage pas l'obsolescence économique de la pétrochimie d'ici là ni ne prévient les effets du développement par “la valorisation des hydrocarbures” sur l'équilibre de la biosphère. La question de la préservation du milieu est d'abord d'ordre culturel. Elle suppose le préalable de l'entendement des effets néfastes, parfois fatals, de l'action humaine sur la nature. L'idée développement durable suppose une rupture avec la conception mécanique du développement. Aujourd'hui, on sait que le développement industriel charrie la négation du progrès économique : la dérive écologique. C'est un saut civilisationnel. Il suffit de savoir les difficultés que les entreprises de pompage ont rencontré pour entrer dans le port d'Alger pour se rendre compte de l'insouciance écologique qui caractérise nos institutions. Même devant les catastrophes, le flegme légendaire de notre bureaucratie reste intact. Quand un demi-siècle de régimes indépendants a pu s'accommoder de la puanteur de oued El-Harrach, véritable anti-chambre pestilentielle de la capitale, on peut légitiment désespérer de la fibre environnementale de nos pouvoirs. Vivement que se tarissent vite les puits de pétrole et de gaz ! Peut-être que les élucubrations prospectives à moindre frais, qui toujours reposent sur encore plus de bitume et de béton, laissent place à la sauvegarde de nos oueds, de nos plaines et de notre littoral. M. H. musthammouche@yahoo.fr