Ce phénomène touche aujourd'hui 6,8% de la population, soit plus de 2 millions d'Algériens. Le modèle de consommation dans le pays demeure pauvre en protéines animales (viandes rouge et blanche). La flambée des prix des produits de première nécessité, notamment le lait et la semoule, met de nouveau sur la table la problématique de la sécurité alimentaire en Algérie. Cette problématique a été au centre du 7e Colloque scientifique international sur “la sécurité alimentaire, quelle stratégie pour le développement agricole ?” organisé, hier, à la Bibliothèque nationale, par l'Association nationale des économistes algériens. En dépit de la mise en œuvre d'un colossal programme national de développement de l'agriculture, l'Algérie peine à assurer sa sécurité alimentaire. Au fil des ans, notre pays s'impose comme le principal importateur de denrées agroalimentaires. M. Lebeche, expert au conseil économique et social, a bien résumé cette situation en affirmant que les besoins alimentaires de la population algérienne, sont satisfaits grâce aux importations, dont la facture est passée de 2,8 milliards de dollars en 2000, à 3,59 milliards dollars en 2005 et à 4,8 milliards dollars en 2007. L'inefficacité des politiques agricoles et la régulation administrative ont bloqué le développement de l'agriculture et transformé l'Algérie en un importateur net de céréales, d'huile, de laits industriels, de sucre. Le président de l'Association nationale des économistes algériens, M. Belkacem Hacène Bahloul, parle de malnutrition, “estimée 6,8% de la population”, un taux jugé élevé. Une malnutrition, illustrée par les statistiques présentées par M. Lebeche, faisant ressortir un modèle de consommation, pauvre en protéines animales. La faiblesse de notre agriculture réside, semble-t-il, ailleurs que dans le financement, qu'il faudrait certes aussi augmenter. M. Mesli, ancien ministre de l'Agriculture, a bien résumé la situation, en affirmant qu'en 50 ans le nombre d'exploitations agricoles est passé de 600 000 dénombrées lors du recensement général de l'agriculture de 1958 à 1 000 000 présentés lors du dernier recensement de 2001. Ainsi, le nombre a presque doublé tandis que la surface agricole utile est restée identique. En 1958, la superficie moyenne par exploitation était de 13 hectares, en 1973 elle chutait à 11,5 pour se situer autour de 8 hectares. 600 000 exploitations ont une superficie moyenne inférieure à 5 hectares. 170 000 s'étendent sur moins de 1 hectare et 800 000, soit 80% du nombre total des exploitations ont chacune moins de 10 hectares. “Il faut cesser de dilapider les terres”, souligne-t-il. À cet inconvénient, s'ajoute un autre non moins sérieux : 60% des terres propriétés des fellahs (melk) ne possèdent pas de titre de propriété ! Tandis que le statut des terres de l'Etat confiées aux EAC et EAI reste entier 20 ans après la promulgation de la loi 87/19. L'agriculture traîne un autre désavantage concernant les hommes : 43% des agriculteurs ont un âge compris entre 41 et 60 ans, 37% ont plus de 61 ans, 5% seulement ont moins de 30 ans, ce qui est loin de refléter la pyramide des âges de la population, 67% des agriculteurs n'ont aucun niveau d'instruction, et 20% ont le niveau primaire. 2% seulement ont un niveau universitaire. “On ne saurait donc s'étonner des résultats qui n'ont jamais été au niveau des moyens mis dans le secteur et des espérances placées en lui”, estime l'ancien ministre de l'Agriculture. M. Mesli estime que la nouvelle “risque de ne pas régler le problème”, si la question de propriété n'est pas tranchée. Quant à la politique agricole, “le soutien de l'Etat à l'investissement dans le secteur en amont et en aval est jugé faible et ne dépasse pas 3,6% du produit intérieur brut en 2006, alors qu'il est de 17% aux Etats-Unis et 34% dans les pays de l'Union européenne”, fait remarquer M. Belkacem Hacène Bahloul. “40% des revenus des agriculteurs français proviennent des soutiens de l'Etat”, renchérit M. Medjitna de l'université d'Alger et membre de l'Association des économistes algériens. La sortie de la crise est-elle possible ? Oui répondent les économistes. À des conditions. Il faut mettre en place une politique agricole globale à long terme. Il faut une implication davantage prononcée de l'Etat, financièrement mais aussi en organisant profondément le secteur (statut définitif des terres publiques, titres de propriété, refonte des structures agraires, formation et rajeunissement de la population agricole). Le Maroc vient de lancer sa stratégie, “le plan Maroc vert”, doté de 20 milliards de dollars. Meziane Rabhi