La barre des 150 milliards de dollars de réserves en devises pourrait être dépassée l'année en cours. Dans ce scénario, la poursuite de l'embellie financière permet de donner à l'Algérie quatre ans de répit susceptible de favoriser la construction d'une économie compétitive. Chaque hausse du prix du pétrole d'un dollar par baril, l'Algérie encaisse 600 millions de dollars supplémentaires. Par rapport à l'année dernière, les prix ont progressé de plus de 40 dollars. À moins d'un brusque retournement du marché, l'Algérie s'achemine vers une recette record en 2008. En ce sens, le P-DG de Sonatrach a indiqué que Sonatrach est susceptible d'engranger 24 milliards de dollars le 2e trimestre contre 19 milliards de dollars le 1er trimestre, résultat de prix dépassant les 100 dollars au mois d'avril. La compagnie pétrolière nationale est donc sur le point d'engranger au total 43 milliards de dollars le 1er semestre 2007. Un record sans précédent. À ce rythme, les recettes de l'Algérie en 2008 dépasseront les 90 milliards de dollars, d'autant que les prix du gaz du 2e semestre sont calculés sur la base des prix du pétrole du 1er semestre. Le FMI prévoit des recettes à hauteur de 75 milliards de dollars, sur la base de prix du pétrole inférieurs. Les entrées en devises tirées des exportations d'hydrocarbures s'étaient situées à 69 milliards de dollars en 2007, dont 3,9 revenant aux associés de Sonatrach. Cette situation financière exceptionnelle aura pour conséquence une accumulation d'excédents. En premier lieu, le surplus de la balance commerciale sera plus important. Il s'est situé à 11 milliards de dollars le 1er trimestre, soit une croissance de 3,5 milliards de dollars par mois. L'excédent sera plus important le 2e trimestre. Cela entraîne un surplus au niveau du compte courant. La balance des paiements connaîtra un solde positif record. De ce fait, les réserves de change connaîtront des niveaux record. La barre des 150 milliards de dollars pourrait être dépassée. Cela veut dire une disponibilité de liquidités en monnaie locale très importante. Par ailleurs, le fonds de régulation enregistrera un surplus record. Il s'était établi à 3 000 milliards de dinars à fin décembre 2007. Cette manne en dinars permettra d'assurer aisément le financement du restant du plan de relance. Dans ce sens, après quatre ans de mandat du chef de l'Etat, quel bilan tirer de l'usage de cet argent du pétrole ? Cet argent a servi notamment à éteindre quasiment la dette extérieure de l'Algérie et à lancer un ambitieux plan de modernisation des infrastructures doté d'une enveloppe de 140 milliards de dollars. Cet argent a également servi à réduire la dette intérieure : 1 000 milliards de dinars à fin 2007. En dépit de cette manne, le taux de chômage reste élevé (11,8%), surtout chez les jeunes. Ce qui veut dire que les dispositifs d'emploi ont montré leurs limites. Les banques, en ce sens, n'ont pas joué suffisamment leur rôle d'intermédiation. Force est de constater également que l'entreprise créatrice d'emplois et de richesses n'est pas au cœur des politiques économiques appliquées sur le terrain. La petite et moyenne entreprise, gisement d'emplois, continue de rencontrer des difficultés d'accès au financement, au foncier. La mise à niveau n'a touché qu'une partie infime de la population d'entreprises, posant pour l'appareil de production un problème de compétitivité. En dépit de ces importantes liquidités, les mesures pour renforcer les capacités de réalisation des entreprises dans le BTP sont restées au stade théorique. Après la mise en œuvre de deux plans de relance dont le denier est à un an de l'achèvement de sa mise en œuvre, les entreprises de grande envergure sont à même de réaliser de grands chantiers dans les délais, et selon les normes se comptent sur le doigt d'une main. Les restructurations et les privatisations n'ont pas servi à faire émerger de grandes entreprises dans le secteur du BTP. L'argent du pétrole n'a pas servi à réduire la dépendance à l'égard des sociétés étrangères. Les entreprises algériennes ont-elles gagné en efficacité ? Au regard de la situation du marché, elles peinent à l'exception d'une partie minoritaire à soutenir la concurrence. Quant à la diversification de l'économie, peu de progrès ont été réalisés. Les hydrocarbures continuent à procurer 98% des recettes en devises. Peu d'entreprises algériennes sont exportatrices. Peu d'entreprises réalisent plus de 10 millions de dollars de recettes à l'exportation. Si cet argent ne sert pas à renforcer les capacités de production, de réalisation, en un mot, à améliorer la compétitivité des entreprises à développer l'agriculture, et réduire la dépendance technologique, l'Algérie court vers l'instabilité sociale. N. R.