Si la hausse de la monnaie européenne se poursuit, elle risque d'avoir pour effets l'augmentation des prix des produits de large consommation et une aggravation de la dette extérieure du pays. La forte appréciation de l'euro par rapport au dollar américain exerce actuellement des pressions sur le dinar. Au cours officiel, la monnaie nationale a chuté d'environ 10% depuis fin décembre 2002. En termes simples, elle a perdu 9 dinars de sa valeur. Coté à 94,77 DA pour un euro actuellement, contre 85 DA à cette période, le dinar subit de plein fouet la dépréciation du dollar. Au cours commercial, principal indice, il atteint 92 DA pour un euro, soit presque la même évolution. L'effet s'est ressenti jusqu'à présent dans les prix des véhicules particuliers importés d'Europe. Les voitures neuves sont, en un mot, plus chères. Pour les modèles Renault les plus demandés, la hausse atteint plus de 10 millions de centimes depuis début 2002. Les autres concessionnaires de marques européennes envisageraient sérieusement de s'aligner sur la décision de Renault Algérie. Autre conséquence : la dette extérieure a augmenté de 2 milliards de dollars, essentiellement à cause de l'appréciation de l'euro par rapport au dollar. Alors que les autorités financières s'attendaient à un volume de 21 milliards de dollars, la dette extérieure du pays s'est finalement élevée à 23 milliards de dollars à fin 2002. Cette érosion de la valeur du dinar risque de se poursuivre, en l'absence de mesures pour stabiliser la monnaie nationale. Des analystes occidentaux anticipent un euro à 1,18 dollar à l'automne 2003. En d'autres termes, il faudra 118 dollars pour obtenir 100 euros, suivant ce scénario, contre 115 actuellement. La monnaie européenne avait atteint ces derniers jours le seuil de 1 euro pour 1,16 dollar, soit très près de sa valeur à sa naissance. Pour les produits agroalimentaires et autres produits de large consommation, la hausse de l'euro a été amortie jusqu'à présent par la baisse des droits de douane, résultant de la signature de l'accord d'association avec l'UE et d'une anticipation de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Arrangements qui poussent à une diminution des taxes à l'importation. Qu'en sera-t-il, d'ici à la fin de l'année ? C'est l'incertitude. Mais pourquoi l'Algérie se trouve-t-elle sous la menace de la variation des valeurs de l'euro et du dollar. En gros, le pays exporte quasiment en dollars. Il importe essentiellement en euros, principalement de France, d'Espagne et d'Italie les biens de large consommation. En un mot, un euro fort par rapport au dollar renchérit nos importations. Quant à la dette, elle est libellée à 30% en euros et environ 40% en dollars américains. Un dollar fort arrange, à l'inverse nos achats et contribue à réduire le volume de notre dette extérieure. Au cours des dernières années, on a laissé croire que l'amélioration de notre endettement était dû à une bonne gestion, occultant l'effet dollar. La monnaie américaine s'étant maintenue à la hausse par rapport à l'euro, ce facteur a réduit en moyenne d'environ 1 milliard de dollars par an le volume de la dette extérieure. C'est ce qu'on appelle l'effet de valorisation. Au marché parallèle qui renvoie, selon des économistes, à la vraie valeur de la monnaie locale, la chute du dinar est plus significative. L'euro se négocie à 110 DA, soit un écart de près de 20% par rapport au taux officiel. Il s'échangeait en 2002 à 90 DA. Cette hausse de l'euro risque ainsi de toucher au pouvoir d'achat de la population et de mettre hors de portée d'un plus grand nombre d'Algériens des produits tels que les voitures. Face à cette menace exogène, les pouvoirs publics restent les bras croisés. Ni décision d'instauration d'un marché de change à terme, pour protéger les opérateurs contre les risques de change, ni gestion active de la dette, pour amortir l'impact de la hausse de l'euro sur son volume, ni mise en œuvre de mesures structurelles pour soutenir le dinar. Il faut peut-être que les conséquences de la hausse de l'euro soient plus graves pour que nos gouvernants réagissent. N. R.