Le spécialiste est quasiment convaincu qu'un choc pétrolier interviendra à cette échéance. “Si des mesures nécessaires pour trouver d'autres énergies alternatives ne sont pas prises, la scène énergétique internationale connaîtra un véritable big bang avec des répercussions sur les plans économique et politique”, lance-t-il. Le secteur de l'énergie se trouve sur une trajectoire doublement alarmante. Pour l'offre en pétrole, il n'est pas sûr que les capacités de production pétrolière dans le monde puissent satisfaire les besoins en consommation à l'avenir. L'expert des questions énergétiques, M. Nicolas Sarkis, invité mercredi du Club Excellence Management, estime que les méfaits qu'engendrerait le manque des énergies fossiles plaident aussi pour un tel constat. Le président de l'Arab Petroleum Research n'écarte pas l'éventualité d'un pic pétrolier qui se produira à l'horizon 2015, en 2025, voire en 2035. “Ce n'est pas sûr, mais ça peut arriver à l'avenir”, prévient M. Sarkis. Le spécialiste est quasiment convaincu qu'un choc pétrolier interviendra à cette échéance. “Si des mesures nécessaires pour trouver d'autres énergies alternatives ne sont pas prises, la scène énergétique internationale connaîtra un véritable big bang avec des répercussions sur les plans économique et politique”, lance-t-il. Citant quelques conclusions du rapport annuel de 2007 de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Nicolas Sarkis indique que la production mondiale de pétrole devrait baisser plus que prévu d'ici 2030. Les pays exportateurs, affiliés ou non à l'Opep, argue-t-il, risquent de connaître dans les années à venir une baisse de production. Il s'agit, entre autres, du Mexique qui ne pourrait dépasser dix ans de production avant de voir celle-ci entièrement diminuée. Il n'est encore point impossible, selon lui, de voir l'Iran recourir un jour à l'importation des hydrocarbures compte tenu de l'importance de la demande dans ce pays. Des experts réunis à Foz do Iguaçu (sud du Brésil), lors d'un forum sur les énergies renouvelables, estiment que la production d'énergie hydroélectrique est chère mais, face à la flambée mondiale des cours du pétrole, elle reste une bonne alternative pour les pays en développement. L'autre argument avancé par Nicolas Sarkis a trait à la moitié des gisements en exploitation à travers le monde dont les réserves ont été complètement épuisées. Pis, les puits découverts depuis deux décennies dans le monde ne sont pas importants en comparaison de ce qui a été réalisé durant les années 1950 et 1960 en dépit de l'évolution des techniques d'exploration. Malgré le progrès scientifique atteint dans ce domaine, les gisements découverts sont, constate-t-il, de plus en plus petits. Par ailleurs, l'AIE estimait nécessaire d'investir d'ici 2015 dans des capacités de production permettant de fournir 37,5 millions de barils/jour, afin de satisfaire la croissance de la demande et compenser le déclin des gisements existants. “Les prix vont encore augmenter” Mais l'ensemble des projets actuellement en cours ne permettrait de produire que 25 millions de barils par jour jusqu'en 2015. Ce qui crée un écart de 12,5 millions de barils/jour entre les investissements engagés et ceux que l'AIE estime nécessaires. Tous ces paramètres mis en avant touchent ainsi l'aspect lié à l'offre. Concernant la demande, M. Sarkis souligne qu'en un seul siècle, la consommation mondiale en pétrole était de l'ordre de 1 000 milliards de barils. Or, cette quantité peut être consommée en 30, voire 25 ans. C'est dire l'accélération qu'enregistrent les besoins mondiaux actuellement. Pour le spécialiste, une quinzaine de pays, considérés auparavant comme étant d'importants producteurs, se sont par la force des choses reconvertis en vrais importateurs à l'image des Etats-Unis et de l'Indonésie. Devant une telle situation, les prix du pétrole sont “condamnés à terme à augmenter”, avoue-t-il. Les cours du pétrole, qui ont atteint mercredi dernier un nouveau record à 134 dollars le baril, pourraient atteindre le seuil des 160 dollars avant la fin de l'année 2008 malgré une offre largement suffisante à même de répondre à la fois à la demande en progression permanente des pays consommateurs et pour alimenter leurs stocks aussi. “Pourquoi les prix vont encore augmenter en dépit de l'absence d'un déficit de la demande ?” s'est-il interrogé. En réponse à cette question, Nicolas Sarkis évoque des causes visibles et immédiates liées aux problèmes géopolitiques, aux phénomènes climatiques (cyclone au Mexique…), à la spéculation, la dépréciation du dollar… En parlant de la demande, M. Sarkis déclare que les besoins mondiaux en pétrole passeront de 86 milliards de barils/jour actuellement à 116 milliards de barils/jour à l'horizon 2030. En fin analyste, M. Sarkis n'exclut pas toutefois une chute des cours à l'avenir qui sera favorisée par l'amélioration des conditions géopolitiques. Si les tensions nées dans les pays comme le Nigeria, l'Iran, le Venezuela… baissent, cela va provoquer une baisse des tarifs du pétrole. Or, ce qui est sûr, selon lui, c'est que la demande provenant particulièrement de pays émergents comme la Chine et l'Inde va s'accélérer de telle sorte à mettre les pays exportateurs dans l'obligation de puiser dans leurs capacités non utilisées. Ce qui va soutenir davantage les cours. Des statistiques avancées par cet expert, à ce propos, prévoient une demande mondiale de 117 millions de barils par jour à l'horizon 2030, soit un volume annuel de 42,07 milliards de barils, contre 86 millions de barils par jour actuellement (31,39 milliards de barils/an). M. Sarkis, qui a constaté une hausse des revenus pétroliers de notre pays, passant de 15 milliards de dollars il y a quelques années à près de 60 milliards en 2007 suivant l'évolution des prix du pétrole, encourage les autorités à investir une partie de ces revenus dans le développement d'autres secteurs tels que le tourisme et l'agriculture. Badreddine KHRIS