Il se dit “écœuré” par la chasse à la sorcière menée contre des individus qui ont embrassé la religion chrétienne, et constate que cette campagne intervient au moment où un colloque international sur la conception des droits de l'Homme chez l'Emir Abdelkader, qui a défendu les chrétiens du Moyen-Orient, vient de se tenir en Algérie. “Le législateur ou le moralisateur ne peut pas pénétrer dans la conscience des gens”, a ainsi entamé M. SoheIb Bencheikh, ancien mufti de Marseille, sa réaction à la campagne contre le christianisme et aux procès contre les convertis, dans un entretien à Liberté. Ecœuré par la tournure prise par les évènements, il joint sa voix à celles de ceux qui dénoncent la chasse aux sorcières tout en relevant les paradoxes de l'Algérie moderne. En effet, au moment où un colloque international autour de la conception des droits de l'Homme chez l'Emir Abdelkader, avec la mise en exergue de sa défense des chrétiens au Moyen-Orient, le tribunal de Tiaret juge une femme “pour pratique illégale d'une religion autre que l'islam”. “La foi ne se décrète pas”, dit-il, tout en rejetant “la manière de faire de l'administration” ainsi que “ces agissements en complète contradiction avec notre religion qui favorise les confessions et les protège”. Et d'asséner des sourate pour appuyer ses déclarations, notamment les versets sur la tolérance, la diversité religieuse, la non-contrainte. Et contrairement à ceux qui clament la vague de conversions au christianisme comme une menace pour l'islam, le fils de l'ancien recteur de la Mosquée de Paris est plutôt serein. Car, dit-il, “il n'y a que les religions qui ne sont pas sûres d'elles-mêmes, qui se sentent menacées. Il n'y a que les fois fragiles qui fuient le dialogue et la comparaison”. “Nous musulmans sommes sûrs de notre religion”, a-t-il ajouté. Quant au procès de Tiaret, il a estimé que “c'est une transgression flagrante et injuste aux droits fondamentaux de l'individu”. “Qui peut juger ma conscience ? De quel droit fixer les frontières à la foi aux frontières des pays ? s'est-il insurgé. Pourtant, des minorités musulmanes dans d'autres pays sont protégées ou comme aux Etats-Unis, la minorité musulmane réclame les mêmes droits que les autochtones. En France, pays marqué historiquement par le catholicisme, 3 000 Français se convertissent à l'islam chaque année. Fait qui n'inquiète pas pour autant les catholiques de ce pays. La Grande-Mosquée de Rome, capitale de l'Eglise catholique, a été bâtie dans les années 1990 sans que cela soulève des rejets. Il n'y a que les frileux et les fois faibles qui réagissent de cette manière”, a-il déclaré. Pour lui, la campagne acharnée contre les chrétiens algériens “pousse à l'hypocrisie” et qu'il “s'agit d'un islam de façade”. Il a, par ailleurs, affirmé être choqué par les déclarations de Abderahmane Chibane sur Djamel El-Bena. Selon lui, le président de l'Association des ulémas a compensé ses lacunes en matière de savoir religieux par un rigorisme ; rigorisme qui est à la portée de tout le monde. Il a assimilé la campagne à l'inquisition menée par “les clergés autoproclamés” alors que l'Islam n'a ni prêtre ni clergé. Pour lui, c'est un aveu d'échec et de faiblesse. C'est “honteux”, dit-il. Le mufti considère également le prosélytisme comme une pratique normale à laquelle certains ont donné un sens négatif. “Quand j'aime une poésie, je la partage. Si j'aime un air musical, je le partage”, dit-il. “En tant que musulman, j'expose mes convictions aux autres”, a-t-il souligné. Et d'exprimer sa compassion et sa solidarité avec les chrétiens algériens. “Ma dignité d'homme libre m'oblige d'être en faveur de ces gens. Je suis prêt à les rencontrer et à les consoler”, dit-il. Il a également exprimé “ses excuses à Mgr Tessier et à son successeur”. Quant à la démarche de Chibane pour contenir l'évangélisation, il répond “salamen” équivalent “no comment”. Il soupçonne les auteurs de cette honteuse campagne de vouloir “détourner l'opinion vers une direction inutile et injuste pour oublier les harragas dans un pays riche, un pays paradis”. Celui qui détient la Bible dans toutes les langues et qui fait l'objet de ses études lance un appel au président de la République pour arbitrer dans cet “acte d'injustice”. “L'Algérie a opté pour la modernité, c'est une République démocratique signataire de la Convention internationale sur les droits de l'Homme, ratifié les déclarations internationales, ces engagements font partie de sa sphère”, a-t-il conclu. Djillali B.