Au premier jour du bac blanc, les épreuves ont été annulées dans nombre d'établissements de la capitale. Inquiets, les élèves ont investi la rue. Le ministre, Boubekeur Benbouzid, reçoit aujourd'hui la Fédération des parents d'élèves. Bab El-Oued. Il est 11h passées. Une nuée de lycéens, des filles pour la majorité, venant du lycée Frantz-Fanon, investissent la chaussée, bloquant la circulation automobile, et se dirigent vers le lycée Emir-Abdelkader. Tapant sur leurs classeurs, leurs sacs ou leurs cartables, les lycéens scandent des slogans où se mêlent des hourras à la gloire du Mouloudia et des cris de ras-le-bol basiques d'élèves qui craignent pour leur avenir. Les clameurs atteindront bientôt leur paroxysme à quelques encablures de la DgSN. Un AOP en talkie-walkie ne sait plus où donner de la tête, lui qui, privé de tout renfort, se voit submergé soudain par ce flot de garnements qui ne se sont pas gênés pour envahir la rue et crier : “On existe”. Les voici s'égosillant de plus belle en lançant : “Echedda ya Mouloudia/Had al-aâm attalaâ !” N'oublions pas qu'on est à Bab El-Oued, fief du MCA. Ainsi, après les “Chnaoua”, c'est au tour des potaches d'occuper la rue. Ironisant, un groupe de filles de 2e AS du lycée Franz-Fanon jouant sur le télescopage des évènements, lâchent malicieusement : “Maintenant que le MCA a arraché l'accession, c'est nous qui risquons la relégation si la situation perdure. Ghir atalaâ elli fiha ! (“on passera à la terminale coûte que coûte”). D'autres filles crient : “Ya lil âr, ya lil âr, idara bidoune qarar !” (Quelle honte ! Quelle honte ! l'administration n'a aucun pouvoir ! ) Sur un flanc du lycée l'Emir, les élèves vont se tasser sur les marches d'un escalier en lançant des pétards. Grève, Mouloud, Mouloudia, tous les ingrédients sont réunis pour un cocktail de jouvence explosif. Petite mise en situation, hier, la Coordination des lycées d'Alger avait mis à exécution sa menace de lancer une grève de 21 jours. Au programme faire “capoter” le bac blanc dont, hier, devaient se dérouler, les premières épreuves. L'objectif est partiellement atteint. D'un lycée à un autre, la grève est différemment suivie. A Bab El-Oued, sur les quatre principaux lycées que compte la circonscription, seul le lycée Okba a assuré les examens. Aux lycées l'Emir-Abdelkader, Mira, Franz-Fanon et à Saïd-Touati, les profs grévistes ont réussi leur pari. Il faut noter, du reste, que Bab El-Oued dans ce mouvement, a été le poumon de la protesta. Nous avons pris le pouls de la grève dans une autre circonscription, en l'occurrence Ben-Aknoun. Au menu, trois établissements réputés pour être réservés à la “tchitchi”. Un tour au lycée Amara-Rachid. Les élèves des classes de terminale ont passé les épreuves du bac blanc normalement. Pourtant, fait curieux, pour les deux autres établissements de la circonscription, c'est le contraste total. Alors qu'au lycée Mokrani I, le bac blanc s'est passé sans couac, à Mokrani II, le portail est resté fermé, et un appariteur nous annonce dès l'entrée que l'établissement est vide. Revenons à Bab El-oued, les enseignants grévistes avaient tôt le matin investi le terrain ; ils ont défilé, eux aussi, en s'égosillant avant de se regrouper devant le lycée Franz-Fanon. Cri de rage d'un prof de français qui enseigne à l'Emir : “Cette fois, nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout. Il n'y a plus rien à négocier !”. L'homme est entouré d'un groupe de lycéens qui nous exprimaient leur inquiétude face au spectre de l'année blanche et de la “relégation” (pour rester dans le jargon footballistique). Le prof de français est sans appel : “C'est l'institution qui a pris les élèves en otage !”. A noter que pour ce deuxième jour de grève, un large rassemblement est prévu à Bab El-Oued, devant l'Emir. Dans un communiqué rendu public, hier, il est annoncé que le ministre de l'Education reçoit, aujourd'hui, les membres de la Fédération nationale des parents d'élèves. B. M.