Une page se tourne au Conseil français du culte musulman (CFCM) , avec les élections destinées à renouveler les instances de l'organisme créé en 2003. Dalil Boubakeur a retiré sa candidature et la Fédération nationale de la Grande-Mosquée de Paris (GMP), qu'il préside, a décidé de boycotter les élections, en contestant les règles de désignation du corps électoral. L'UOIF, qui avait laissé planer la menace d'un boycott, a finalement décidé de participer au scrutin, dans un souci de préserver la pérennité du CFCM, selon ses chefs qui ne présentent pas de candidat à la présidence. Laissant la porte ouverte au vice-président de la FNMF, Mohamed Moussaoui et Haydar Demiryurek, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF). L'UOF, proche des Frères musulmans, avait accusé en 2003 Sarkozy, le “père” du CFCM, alors ministre de l'Intérieur, d'avoir pesé dans l'accession à la présidence de Dalil Boubakeur, un tenant de l'islam modéré face à l'intégrisme, oubliant que le recteur de la Mosquée se Paris est une figure historique de l'islam en France. Depuis sa réélection arrachée de justesse en 2005, sa représentativité a toutefois était de plus en plus contestée, notamment par les associations musulmanes marocaines qui ont vu leur influence monter en cadence. Hier donc, 4 862 délégués de 1 039 mosquées et salles de prière devaient voter pour désigner les cadres des 25 conseils régionaux du culte musulman qui, à leur tour, réunis en assemblée générale, voteront pour le conseil d'administration du CFCM et son bureau exécutif. Le processus s'achèvera le 22 juin avec l'élection du nouveau président. La France compte environ 5 millions de personnes de culture arabo-musulmane, dont 1,5 million d'Algériens et 1 million de Marocains. Logiquement, c'est donc aux Algériens de chapeauter le CFCM mais, les Marocains, qui gèrent environ 40% des lieux de culte, affirment compter plus de musulmans “pratiquants” dans leurs rangs ! Et pour capter les voix des “indépendants” et des représentants des autres communautés, africaines et asiatiques, l'UOF et la FNMF plaident pour un changement dans le mode de fonctionnement du CFCM. Celui-ci ne devant s'occuper que de la construction des mosquées, des carrés confessionnels dans les cimetières, de l'abattage rituel des moutons pour l'Aïd, de la formation des imams et aussi du pèlerinage à La Mecque. Donc, plus d'interférences politiques et surtout pas pour stigmatiser l'islam politique. Mais derrière ces gros enjeux financiers se dissimule le travail des Frères musulmans qui œuvrent pour un islam communautaire, avec tout ce que cela sous-entend. L'UOF est riche de soutiens du Moyen-Orient, grâce à ses penchants pour le wahhabisme, notamment en ce qui concerne la séparation des sexes. L'organisation, qui a déjà ouvert plusieurs lycées islamiques en France, n'a apparemment pas de problèmes financiers. Des fonds proviennent d'Arabie saoudite, et le Maroc lui fournit des imams par fournées. Il est à rappeler que la FNMF (Fédération nationale des musulmans de France, liée au Maroc) et le Rassemblement des musulmans de France (RMF) ont été créés en 2006 pour barrer la route à Dalil Boubakeur et à la Mosquée de Paris. Ils semblaient en bonne position, mais le jeu n'est pas totalement terminé. Les élections devaient se dérouler sous haute tension. D. Bouatta