Jugeant inacceptable le bouclier antimissile américain en Europe, notamment son déploiement en Lituanie, le président russe a haussé le ton face à George Bush en exprimant de “sérieuses inquiétudes”, lors d'un entretien tenu au tout début du sommet du G8 à Toyako. Marchant sur les traces de Vladimir Poutine, fermement opposé à ce projet, le nouveau patron du Kremlin a dit au président américain “ceci est absolument inacceptable” au sujet du déploiement du bouclier antimissile, particulièrement en Lituanie, une ancienne république soviétique, aux portes de la Russie. Moscou voit dans ce bouclier une menace directe pour sa dissuasion nucléaire, alors que les Etats-Unis affirment que ce projet ne vise pas la Russie, mais uniquement pour faire face à des attaques de pays “voyous” comme l'Iran. Pour rappel, les Etats-Unis envisagent d'installer un radar ultra puissant en République Tchèque et des intercepteurs de missiles en Pologne. Mais, Moscou s'oppose catégoriquement à ce projet, surtout depuis qu'il est question de le déployer en Lituanie, en raison des difficultés à conclure un accord avec Varsovie à ce sujet. En effet, Washington a entamé des discussions en juin pour voir si Vilnius pourrait prendre le relais en cas d'échec, ce qui n'a fait qu'exaspérer un peu plus les Russes. Medvedev a déploré “l'absence de réels progrès” dans les négociations avec les Américains sur le bouclier, alors que ces derniers ont proposé aux Russes d'avoir des inspecteurs sur les sites et de coopérer sur la défense antimissile afin d'apaiser leurs inquiétudes. Par ailleurs, le chef de l'Etat russe s'est déclaré “prêt à normaliser les relations” avec la Géorgie pro-américaine qui accuse Moscou de vouloir annexer sa région séparatiste d'Abkhazie, tout en regrettant un “manque de volonté en ce sens du côté géorgien”, selon son conseiller Prikhodko. Par cette fermeté sur ces dossiers sensibles qui ont ravivé la guerre froide, Medvedev voulait surtout montrer que la Russie demeure un acteur responsable. Il affiche également sa volonté à assumer pleinement la continuité avec son prédécesseur, Vladimir Poutine, même si les styles sont opposés. Sur la question du nucléaire iranien, il assure au président américain, que Moscou, qui maintient une relation privilégiée avec Téhéran, ferait tout son possible pour aider à résoudre la crise du nucléaire iranien. Ainsi, “la Russie est prête à continuer à travailler avec toutes les parties concernées pour aboutir à une solution”, a-t-il dit à son homologue américain, tout en l'assurant qu'“elle va stimuler par tous les moyens le dialogue avec Téhéran, mais il faut attendre des signaux correspondants de la direction de ce pays”. Ceci étant, le président américain, qui avait déclaré avoir vu “l'âme” de Vladimir Poutine en le regardant dans les yeux, est resté plus sobre, hier, à propos du nouveau maître du Kremlin Dmitri Medvedev, un “type intelligent”, a-t-il dit. Pour cette première rencontre entre les deux hommes depuis l'investiture de Medvedev le 7 mai, la question était sur toutes les lèvres : “Qu'a bien pu voir M. Bush dans les yeux de son nouvel interlocuteur ? C'est un type intelligent. Quand il vous dit quelque chose, il le pense”, a déclaré en préambule le président américain. Interrogé plus en détails, il est resté plutôt prudent en comparaison avec ce qu'il avait dit après l'arrivée du président Vladimir Poutine au pouvoir en 2000. “Je ne vais pas faire sa psychanalyse mais je peux vous dire qu'il est très à l'aise, confiant et qu'il pense ce qu'il dit”, a répondu M. Bush. “Parfois en politique, les gens vous disent une chose et en pensent une autre. Mon jugement, c'est que quand il dit quelque chose il le pense et ce sera bien pour les dirigeants mondiaux d'avoir quelqu'un comme lui (...) même si on n'est pas toujours d'accord avec lui ”, a-t-il ajouté. K. ABDELKAMEL