Si l'affaire de l'inculpation pour génocide du président soudanais Omar Hassan El-Bachir par la Cour pénale internationale (CPI) a soulevé le courroux de la Ligue arabe et à un degrés moindre celui de l'Union africaine, la Chine se trouve, elle, dans une position inconfortable compte tenu de la proximité des jeux Olympiques. Pékin qui traîne déjà la casserole du Tibet ne souhaiterait pas trop s'afficher à côté de Khartoum dont pourtant elle est le principal, voire l'unique soutien chez les grands de ce monde. Depuis des années, Pékin jongle entre ses contrats au Soudan, notamment en matière d'approvisionnements énergétiques, et son ambition de puissance émergente à jouer un rôle dans les initiatives internationales de règlement de la crise au Darfour. Ses autorités ont toujours constitué un écueil au Conseil de sécurité contre toute condamnation frontale d'Omar Hassan El-Bachir. La décision spectaculaire du procureur argentin, Luis Moreno-Ocampo, complique la donne pour le pouvoir chinois, toutes les parties se demandant si Pékin va tenter de suspendre via le Conseil de sécurité des Nations unies l'inculpation de Bachir. Aucune réaction officielle n'a pour l'heure été enregistrée à Pékin. “Cette affaire est porteuse de plusieurs dilemmes pour la Chine”, a expliqué à une agence de presse He Wenping, spécialiste de l'Afrique à l'Académie chinoise des sciences sociales. “Elle aura de nombreuses conséquences que la Chine n'aimera pas. Nos propres soldats de maintien de la paix pourraient être menacés, et cela va aussi sérieusement réduire l'espace dont dispose la Chine pour mener une médiation sur le Darfour et inciter au dialogue entre le Soudan et l'Occident”, a ajouté la spécialiste chinoise. Pour elle, “les jeux Olympiques compliquent une situation déjà compliquée”. Pékin est déterminé à rehausser son image internationale à la faveur des jeux Olympiques, d'autant que l'affaire du Tibet est loin d'être soldée. La Chine qui ne s'est pas immiscée, jusqu'à présent, dans le travail de la CPI, ne lèvera pas le doigt pour El-Bachir et le Darfour juste avant les jeux. D'autant que plusieurs organisations critiquant les liens en matière de pétrole et d'armement entre la Chine et Khartoum ont appelé à des manifestations durant les jeux. En outre, les autorités de Pékin sont en train de mesurer les réactions des autres puissances, notamment les Etats-Unis, la Russie et l'Union africaine. Pékin a soutenu la résolution de l'Onu qui a créé la force hybride Onu/Union africaine et poussé El-Bachir à accepter le déploiement de cette force de maintien de la paix. Alors que Khartoum espérait son veto, la Chine s'est également abstenue lors du vote de 2005 au Conseil de sécurité qui a autorisé la CPI à enquêter sur le Darfour. D. B.