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Mouna Hamitouche : une Algérienne chez les Britishs
Elue municipale à Londres et coordinatrice d'une association d'amitié algéro-britannique
Publié dans Liberté le 24 - 07 - 2008

Mme Hamitouche est l'unique représentante d'origine algérienne dans une institution élue au Royaume-Uni. En sa qualité de coordinatrice de Algerian British Connexion, elle interpelle les autorités algériennes sur le sort de nos compatriotes Outre-Manche et demande une plus grande attention, semblable à l'assistance dont bénéficient les émigrés de France.
Pour ses collègues de la municipalité d'Islington, les administrés et l'ensemble de ses compagnons de Algerian British Connexion, une association d'amitié algéro-britannique dont elle est la principale coordinatrice, Mme Hamitouche est tout simplement Mouna. “Ici, tout le monde s'appelle par son prénom”, confie la petite dame avec des yeux rieurs. Tour à tour journaliste puis enseignante à l'Institut de l'information à Alger, Mouna fait un crochet à Paris où elle obtient un doctorat en sciences de la communication dans les années 1980. En 1991, elle s'envole Outre-Manche. Détentrice d'une bourse pour la préparation d'un PHD dans le domaine de la communication, sur l'influence de l'audiovisuel français sur le public algérien, elle tombe sous le charme de la culture politique et des traditions de philanthropie que les sujets de Sa Majesté conservent jalousement. Si Mouna s'investit très tôt dans l'activité bénévole, notamment en direction de ses compatriotes, rien en revanche ne la destine à une carrière politique. En 2006, pourtant, elle est élue au conseil municipal de la mairie d'Islington, au nord de Londres, sous la bannière du Parti travailliste. À la question de savoir si d'autres Algériens occupent le même poste, Mouna répond en feignant dissimuler sa fierté : “Je suis la seule élue d'origine algérienne et arabe dans tout le Royaume-Uni”. Depuis cette date mémorable du 4 mai 2006 à 3 heures du matin, où le verdict des urnes a tranché en sa faveur, elle s'emploie à honorer son mandat et consacre le reste de son temps à son association. Algerian British Connexion (ACB) vient d'être dotée d'un nouveau siège. Sa proximité de la mairie d'Islington permet à Mouna de s'y rendre fréquemment. Le local, fraîchement repeint, est le fruit d'une longue patience et d'une quête infatigable de fonds d'achat. L'association elle-même vit grâce aux donations. Le Home Office par exemple a fait une contribution d'une valeur de 5 400 livres, pour le lancement du bulletin d'information en ligne. Des institutions locales comme la municipalité de Camden, voisine d'Islington, ont sacrifié une petite partie de leur budget pour le financement d'ateliers d'apprentissage de l'arabe, de la cuisine, de la broderie, de la musique et une toute nouvelle activité de conseils financiers, visant à encourager les ressortissants algériens les plus démunis à monter leurs propres affaires. “J'encourage même les femmes à ouvrir leurs propres petits commerces, de pâtisserie algérienne, de confection, etc.”, relate la coordinatrice de l'ABC. Or, à ce jour, ses recommandations demeurent sans grands échos. La raison est toute simple. Les femmes, et encore moins leur mari, ne veulent pas prendre le risque de perdre leurs allocations et devoir en revanche payer des taxes sur des activités dont les bénéfices sont aléatoires. “C'est pourtant la seule manière qui leur permet de s'intégrer”, observe Mouna. Des files d'Algériens, parfois au comble du désespoir ont frappé à la porte de l'association depuis sa création en 2001. Tout récemment, un jeune sans papiers et gravement malade s'est adressé a Mouna parce qu'il vient d'être rayé du registre des médecins généralistes et ne peut plus se faire délivrer une ordonnance. Avec sa double casquette de coordinatrice et d'élue, Mouna tente d'aider les plus malheureux. Mais à elle seule, le fardeau est trop lourd. “Les autorités doivent faire quelque chose. Aujourd'hui, la communauté algérienne au Royaume-Uni est la seconde par ordre d'importance après celle qui est établie en France. Elle est en droit de bénéficier d'une attention similaire”, réclame Mouna. Abordant le projet d'ouverture d'une Maison de l'Algérie en Hexagone, elle déplore l'absence d'une quelconque institution dédiée aux Algériens Outre-Manche, une sorte de gîte où les individus en détresse pourraient se rendre pour y trouver aide et réconfort. La profonde indignation et la solitude que les commerçants algériens de Black Stock Road, le quartier algérien de Finsbury Park au nord de Londres, ont ressenties suite à un raid des services de sécurité et de l'immigration en mars dernier, marquent encore l'esprit de Mouna. “Ces gens-là ont besoin d'un soutien moral”, fait-elle remarquer. S'étant déplacée sur les lieux en compagnie de Jeremy Combyn, représentant de la circonscription au Parlement, elle évoque une descente violente semblable aux irruptions de l'armée coloniale dans les quartiers algériens durant la guerre d'indépendance. Selon elle, ni les excuses de la police ni leurs promesses de dédommagement ne sont en mesure de réparer le tord subi par les commerçants malmenés et qualifiés de voyous et de terroristes. “La police a mis tout le monde dans le même sac”, regrette l'élue. Devenu le fief de la petite et moyenne criminalité, Black Stock Road est le repère de jeunes harragas sans le sou, qui survivent de petits larcins. “Ce sont le produit de deux décennies de violence en Algérie”, commente Mouna pleine d'amertume. Beaucoup la sollicitent pour les aider à régulariser leur situation. “Certains mentent sur leur âge, sachant que les mineurs ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays”, révèle-t-elle. Au siège de la municipalité, d'autres problèmes pleuvent sur son bureau : logement, emploi… “Les gens viennent à la mairie comme ils se rendent chez le médecin”, illustre-t-elle. Il lui arrive aussi de se déplacer au chevet des administrés pour écouter leurs doléances. Outre le conseil municipal, Mouna siège dans cinq comités, traitant entre autres des questions d'environnement, de développement durable, de promotion des zones défavorisées… Elle fait partie également de la commission d'octroi des licences pour l'ouverture de débits de boissons et de night-clubs. Par ailleurs, Mouna représente sa municipalité au sein de l'association du troisième âge d'Islington, une organisation de conseils financiers en direction des travailleurs et des petits investisseurs et le conseil d'administration d'un lycée de la localité. “Comme je suis en minorité, je dois m'affirmer par le travail”, plaisante-elle. Si son collègue bengalais du conseil municipal a été élu grâce au vote des membres de sa communauté, Mouna doit sa victoire surtout aux électeurs britanniques. “Les Algériens établis au Royaume-Uni ne comprennent pas l'utilité de se faire enregistrer pour aller voter. Or, c'est comme ça que les autres communautés se constituent en lobbies”, constate l'élue. Récompensée pour son parcours militant au sein d'un tas d'organismes de charité, Mouna a été le cheval gagnant des travaillistes. “Je n'ai jamais pensé être élue. C'était une totale surprise”, confie-t-elle encore émue. En 2006, la formation de Gordon Brown remportait la majorité des sièges à Islington. “J'ai adhéré au Parti travailliste car je me sens proche de ses valeurs consistant en la promotion de la justice sociale et la défense des intérêts des masses laborieuses”, explique Mouna. En 1995, elle a participé activement à la campagne pour l'élection d'un certain Tony Blair, un voisin d'Islington….
S.L.-K.


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