L'affaire prend de l'ampleur. Tout a commencé avec l'inculpation, la semaine dernière à Genève, du fils du président libyen et de sa belle-fille. Selon la Tribune de Genève, il leur est reproché des maltraitances sur deux employés de maison. En guise de rétorsion, les bureaux des groupes helvétique Nestlé et helvético-suédois ABB ont été contraints de mettre la clé sous la porte et leurs responsables ont été interrogés par la police libyenne. Alors que le responsable de la représentation de Nestlé en Libye, un Egyptien, a été rapidement relâché, l'employé suisse d'ABB demeure en détention. Tripoli ne s'est pas arrêté là. Et malgré cela, les autorités suisses ont essayé de minimiser le coup de gueule de Kadhafi. Mais au moment où leur délégation diplomatique s'est rendue à Tripoli pour essayer de raccommoder la crise, Kadhafi a décrété un embargo pétrolier sur la Suisse. Sa compagnie nationale de transport maritime et des ports a indiqué également qu'elle interdisait l'entrée et le déchargement suisse dans les ports libyens de navires battant pavillon suisse. Et Tripoli a fait savoir que le bras de fer est loin de se terminer, menaçant la Suisse de nouvelles mesures si elle ne ferme pas le dossier de l'affaire “montée de toutes pièces” contre Hannibal et ne présente pas ses excuses. Le rejeton de Kadhafi est officiellement conseiller de la Compagnie libyenne de transport maritime qui détient le monopole du transport des produits énergétiques en Libye, avec une flotte de dix navires. La Libye est le premier fournisseur de pétrole à la Suisse où elle dispose d'une raffinerie dans le cadre d'une société mixte helvéto-libyenne. Mais des spécialistes du secteur en Suisse ont toutefois minimisé l'impact de la fermeture des robinets pétroliers par Kadhafi, estimant que la Suisse dispose de suffisamment de réserves et d'autres sources d'approvisionnement. Le retrait des avoirs libyens dans les banques suisses, la rupture des relations diplomatiques et le départ des sociétés helvétiques sont également envisagés, selon les responsables libyens. Tripoli a déjà pris dès le 17 juillet des mesures de rétorsion “préoccupantes envers les ressortissants suisses et les intérêts de la Confédération en Libye”, selon le ministère helvétique des Affaires étrangères. Les liaisons aériennes entre les deux pays ont été réduites et les autorités libyennes ont suspendu l'octroi de visas aux ressortissants suisses. Tripoli, incontestablement, fait monter les enchères. Kadhafi joue sur les nerfs de Genève qui a tout à perdre dans le bras de fer. La Libye trouverait immédiatement des acquéreurs pour son pétrole et ses infrastructures alors que les investisseurs suisses, les ABB, Nestlé et Cie, devraient faire une croix sur leurs efforts et il n'est pas évident pour eux de rebondir ailleurs en ces moments de morosités financières. “Kadhafi a les cartes en main et le vieux renard le sait”, a écrit la Tribune de Genève, qui table sur une intervention du roi du Maroc dont le serviteur frappé par le couple Kadhafi est sujet. Genève tente de transformer l'incident en affaire euromaghrébine ! Hannibal Kadhafi, le quatrième fils de Mouammar Kadhafi, et sa femme avaient été arrêtés le 15 juillet à Genève, suite à une plainte de deux employés de maison qui les accusent de les avoir frappés. En échange d'une caution d'un demi-million de francs suisses (312 500 euros) le couple avait finalement été libéré deux jours plus tard et Hannibal accuse à son tour la police suisse de maltraitances, voire de racisme. Sa défense est assurée par un collectif d'avocats dont sa propre sœur. Il reste qu'aux yeux de la grande presse helvétique : “Cette affaire, en soi bénigne, peut devenir un cas d'école d'un changement d'ère, les régimes du sud doivent apprendre à fonctionner selon des principes qui sont ceux du droit.” D. Bouatta