Après les deux attentats qui ont coûté la vie à 17 personnes, la Turquie semblait, hier, privilégier la piste des rebelles kurdes. Dimanche soir, deux bombes ont explosé à Istanbul, sur une avenue commerçante de la rive européenne de la ville. Dix-sept personnes, dont cinq enfants, ont été tuées, a annoncé le gouverneur de la première métropole du pays, Muammer Güler. Une cinquantaine de blessés, dont six dans un état grave, étaient toujours hospitalisées lundi, selon le gouverneur. Une fillette de 12 ans notamment a été tuée par des éclats qui l'ont touchée en plein cœur. “Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une attaque terroriste”, a déclaré aux journalistes M. Güler, soulignant que les autorités visualisaient les enregistrements des caméras de surveillance et menaient l'investigation sur les liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebelles kurdes). “Evidemment, on voit un lien avec l'organisation séparatiste”, le PKK, a-t-il dit, ajoutant que les détails de l'enquête seraient rendus publics dans les plus brefs délais. “Il y avait deux engins (...) Tous deux étaient disposés dans des poubelles. Ils ont explosé à 10 ou 12 minutes d'intervalle. Après la première explosion, qui n'a pas fait de morts, les gens se sont bien sûr rassemblés et c'est alors qu'est survenue la deuxième explosion, qui a fait des morts”, a expliqué M. Güler. Selon des témoins, la seconde déflagration était beaucoup plus forte que la première, étayant la thèse d'un piège destiné à faire autant de victimes que possible. Le chef de l'opposition au Parlement, Deniz Baykal, a lui aussi pointé du doigt le PKK. “Les autorités pensent aussi que c'est l'affaire du PKK”, a souligné à Istanbul le chef du Parti républicain du peuple (CHP).Plusieurs attentats survenus à Istanbul ont été attribués dans le passé au PKK, qui se bat depuis 1984 pour l'indépendance du sud-est anatolien, peuplé en majorité de Kurdes. Selon les journaux, le type d'explosif utilisé est le même que celui utilisé dans un attentat qui avait fait dix morts l'an dernier à Ankara et avait été attribué par les autorités aux rebelles kurdes. Des groupes armés islamistes et d'extrême gauche sont également actifs à Istanbul. Une cellule turque d'Al-Qaïda avait été tenue pour responsable d'attentats à Istanbul en novembre 2003, qui avaient fait 63 morts et des centaines de blessés. M. Erdogan a annulé un Conseil des ministres et s'est rendu à Istanbul au chevet des blessés. Le double attentat survient alors que la Turquie traverse une période de tension. Vendredi, un tribunal d'Istanbul a décidé de juger des putschistes présumés soupçonnés de vouloir renverser le gouvernement issu de la mouvance islamiste. L'attentat coïncidait également, à quelques heures près, avec le début à Ankara, hier matin, des délibérations de la Cour constitutionnelle concernant une possible interdiction de l'AKP. Le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini et l'Union européenne ont condamné ces attentats. DJAZIA SAFTA/AGENCES