À ce rythme, la meilleure des agences algériennes ne peut envoyer plus de 500 candidats à La Mecque, alors qu'une seule agence a déjà réservé et payé, rien que pour les 15 derniers jours du mois de Ramadhan, 3 000 lits. Autrement dit, 8 inscrits sur 10 risquent de ne pas faire le voyage. En plein mois de chaâbane et à j-20 du premier jour du mois de Ramadhan, la situation se complique davantage pour la campagne Omra 2008. D'un côté, des représentants des pouvoirs publics paralysés par un environnement très compliqué, et d'un autre, des acteurs touristiques sans aucune lucidité face aux sirènes du produit juteux qu'est le tourisme religieux. Entre les deux, le candidat au petit pèlerinage, omra, qui risque de perdre des plumes à la mi-septembre prochain. Prix exorbitants en perpétuelle majoration et départs incertains sont les deux préoccupations des candidats à la omra. Ainsi, les prix du produit omra cette année viennent de connaître une augmentation de 30% par rapport à ceux de la dernière campagne 2007. Selon des voyagistes, aux conditions actuelles du marché, le seuil de rentabilité n'est atteint qu'avec un prix de cession grand public au moins égal à 155 000 DA par personne pour un séjour de 15 jours dans un hôtel près du Haram. Derrière cette flambée des coûts, on retrouve la hausse spéculative du prix de l'hébergement en Arabie Saoudite, la majoration liée à la taxe carburant du billet d'avion et, enfin, la dépréciation du dollar, monnaie de référence en Arabie. En effet, près de 20% des lits à La Mecque ont été retirés de la commercialisation à la suite de la démolition d'une partie du vieux parc hôtelier de la ville sainte. L'opération a débouché sur un déficit du même taux et, partant, elle a poussé à la hausse les prix de cession des lits, légèrement supérieure à la même tendance. Conscientes de la situation difficile créée par cet état de faits, les autorités saoudiennes ont, dès le départ, adopté une attitude orthodoxe, pour ne pas dire des plus sévères, avec les agences de voyages algériennes candidates à l'agrément omra. Ce qui est tout à fait logique afin d'éviter les mauvaises surprises. Les Saoudiens cherchaient à éviter que des agences algériennes demandent un nombre de visas supérieur à celui des lits qu'elles réservent réellement. Dans le dossier de demande d'agrément, à l'usuel contrat à signer avec le partenaire saoudien devrait être joint le reçu de paiement de la réservation ferme des lits. Condition que près de 8o agences algériennes ont réunie. Si cette mesure de précaution garantit aux autorités saoudiennes d'éviter tout un décalage entre le nombre de visas émis et le nombre de lits disponibles à tout instant, elle risque de créer de mauvaises surprises à la partie algérienne. Il suffit que l'opération d'émission des visas connaisse des perturbations ou que les deux compagnies aériennes (Air Algérie et Saoudi Airlines) n'arrivent pas à offrir le nombre de sièges demandés pour que les agences algériennes engagées dans la campagne accusent des pertes sèches du fait qu'elles vont payer des lits qui ne seront jamais occupés. C'est ce qu'on appelle dans le jargon hôtelier “le plein pour vide malgré soi !” Malheureusement, ce dernier scénario n'est plus du domaine de la simulation, mais une réalité qui se confirme chaque jour. En parcourant plusieurs agences de voyages situées à l'est du pays, on a pu constater que le nombre des accords (mouaffaka) de visas est distillé au compte-gouttes, soit une moyenne de 12 accords par jour pour près de 80 agences agréées. Ainsi, quelque 900 visas sont accordés par jour, soit 3 fois moins que ce qui est constaté chez nos voisins, tels que la Tunisie, où la moyenne est de 3 000 visas délivrés quotidiennement. À ce rythme, seuls 20% des inscrits au niveau des agences algériennes feront le voyage. Et en l'espace des 20 prochains jours, il ne sera délivré que 20 000 visas et, au plus, 30 000. Avec cette cadence, en plus des pertes en lits, il faut attendre un mois pour qu'une agence puisse remplir un Airbus, ce qui créera un grave problème entre les agences de voyages et les deux compagnies aériennes à cause de la non-concordance à tout instant “t” entre le nombre de visas et le nombre de sièges avion. Si les quelques agences de voyages algériennes, soucieuses de leur réputation, commencent à crier à la maldonne en insistant sur l'existence d'un système de quotas, les autorités saoudiennes repoussent de telles accusations et évoquent une opération qui se déroule le plus normalement du monde. Poussant nos investigations, nous avons tenté d'auditer sommairement la procédure des mouaffaka (accord de principe pour le visa). En fait, les agences algériennes agréées pour la omra sont reliées par réseau électronique, genre intranet, au système centralisé des affaires religieuses saoudiennes. L'agent algérien porte sur ledit portail la filiation du candidat pour la omra. Quelque part, sur la toile, les agents saoudiens interviennent pour sélectionner, chaque jour, une dizaine de candidats pour leur accorder la mouaffaka. À notre tentative de porter une filiation suivie de demande de mouaffaka, le système répond par un “en attente des quotas”. Simple erreur de transcription ? Seule une intervention, tant qu'il est encore temps, des pouvoirs publics algériens, loin des luttes intestines que se livrent les différentes associations, syndicats et autres unions, autour de la rente que présente le tourisme religieux, peut sauver la mise. Devant une telle situation, la raison d'Etat doit l'emporter. Mourad KEZZAR