La Russie et la Géorgie, en conflit depuis vendredi dans la province séparatiste d'Ossétie du Sud, sont finalement tombées d'accord pour évacuer blessés et réfugiés, mais la confusion règne toujours au sujet de cette nouvelle guerre dans le Caucase qui menace les équilibres en Europe. Et l'UE ne peut pas déplaire aux Russes. Le conflit latent depuis 1992, l'Ossétie du Sud, frontalière de la Russie, avait proclamé son autonomie par rapport à la Géorgie, s'est mué en véritable guerre et il s'est même ouvert un second front dans une autre région séparatiste, l'Abkhazie, plus au Nord et également frontalière de la Russie. L'Abkhazie a elle aussi proclamé sa “russitude”, accueillant, comme sa voisine, des contingents de l'armée russe chargés du maintien de la paix dans ces deux régions. Les séparatistes d'Abkhazie, qui avaient promis du soutien aux Ossètes, ont entamé depuis samedi une opération militaire pour déloger les troupes géorgiennes des gorges du Kodori, ouvrant de facto un nouveau front face aux forces de Tbilissi. La communauté internationale n'a pas arrêté d'appeler à la cessation des combats et à l'ouverture de négociations entre Moscou et Tbilissi. Les grandes puissances occidentales n'ont pas accusé nommément Moscou mais leurs médias ont donné libre court à des condamnations contre la Russie accusée de velléités impériales. L'incertitude persiste, d'autant plus que la Géorgie n'arrête pas de se montrer irréductible dans l'espoir de susciter l'intervention des Occidentaux. Moscou, par la voix de son Premier ministre Poutine, qui fait montre que le vrai pouvoir, c'est toujours lui, a reconnu que la nouvelle guerre du Caucase est, en grande partie, motivée par la volonté de Tbilissi de rompre l'équilibre sécuritaire et géostratégique en voulant rejoindre à tout prix l'Otan et entraîner dans son sillage d'autres pays de l'Europe de l'Est, comme l'Ukraine. Le rapport des forces étant inégales, Tbilissi s'est vu contrainte de retirer ses forces de toute la région séparatiste d'Ossétie du Sud, au prétexte de permettre aux agences d'aide humanitaire d'avoir accès aux civils réfugiés. C'est que l'armée russe avait investi Tskhinvali, la capitale de la région séparatiste. Moscou, apparemment, est loin de baisser les bras. Le commandement de la flotte russe serait en route vers la Géorgie pour la mise en place d'un blocus maritime afin d'empêcher toute livraison d'armes à la Géorgie. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a menacé en réaction d'interdire aux navires de la flotte russe de la mer Noire de passer vers la Géorgie ! L'armée russe dispose de grandes bases navales à Sébastopol, dans le sud de la Crimée. Ne savant plus où donner de la tête, le président géorgien exhorte les ?tats-Unis à servir de médiateurs. La Maison-Blanche a mis en garde le Kremlin face au risque de conséquences importantes qu'aurait sur les relations avec les ?tats-Unis la poursuite d'une escalade dangereuse et disproportionnée de la part de la Russie dans le conflit avec la Géorgie. Mais Bush, qui s'exprimait depuis Pékin où il a assisté à l'ouverture de jeux Olympiques et où il a rencontré le Premier ministre russe Poutine, a évité tout écart de langage appelant à la négociation, s'interrogeant sur les véritables intentions de la Russie. L'Europe a fini elle aussi par sortir de l'expectative. Depuis dimanche, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, est dans la région du conflit pour proposer un plan de “sortie de crise” concocté par Sarkozy qui assure la présidence de l'UE. Cependant, la marge de manœuvre française est étroite. Kouchner est accompagné de son homologue finlandais, Alexander Stubb, président en exercice de l'OSCE. Bruxelles, qui a déclaré avec force son attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la Géorgie dans ses frontières internationalement reconnues, exhorte la Russie à respecter celles-ci, tout en prévenant que la poursuite des actions militaires affecterait sa relation avec la Russie. L'UE réunira ses ministres des Affaires étrangères mercredi pour évaluer la situation et développer les perspectives de règlement du conflit. La présidence française de l'UE entend présenter son plan de sortie de la crise en trois points incluant le respect de l'intégrité territoriale de la Géorgie, qui affirme subir une invasion russe, une cessation immédiate des hostilités et le rétablissement de la situation qui prévalait antérieurement sur le terrain. Retour à la case départ sans plus. Il n'est pas évident que l'UE aille au-delà de son discours de fermeté envers la Russie, même si elle est poussée par les trois pays baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie) et la Pologne, qui ont appelé l'Otan à s'opposer à une “politique impérialiste” de la Russie. “ça ne sert à rien d'injurier les gens”, a déjà précisé Kouchner avant de s'envoler vers Moscou et Tbilissi. La Russie est incontournable pour l'approvisionnement de l'UE en gaz et en pétrole et, lors du dernier sommet de l'Otan début avril, la France et l'Allemagne, soutenues par un groupe d'une dizaine de pays, avaient refusé d'accorder le statut de candidat à leurs alliés pro-occidentaux que sont la Géorgie et l'Ukraine. Pour ne pas déplaire à la Russie, opposée à ce nouvel élargissement de l'Alliance dans son ancienne zone d'influence. D. Bouatta