Il faut dire qu'après avoir brandi sa menace contre les transferts jugés excessifs effectués par les sociétés étrangères, le chef de l'Etat n'a pas trop tardé à passer à l'action. La sortie médiatique tonitruante du président Bouteflika lors de la journée de formation dédiée aux présidents d'APC du pays au sujet du dossier des investissements étrangers en Algérie n'aura pas été finalement sans suite. Le projet de loi de finances 2009 adopté dimanche par le Conseil des ministres, s'il ne comporte aucune nouvelle taxe ou augmentation de taxe pour les entreprises nationales ou étrangères, prévoit cependant que les “bénéfices transférables vers l'extérieur par les succursales des sociétés mères établies à l'étranger seront assimilés à des dividendes imposés à 15%” et que les plus-values de cession d'actions et de parts sociales par des non-résidents seront imposées de façon “spécifique”. Il faut dire qu'après avoir brandi sa menace contre les transferts jugés excessifs effectués par les sociétés étrangères, le chef de l'Etat n'a pas trop tardé à passer à l'action. Le chef de l'Etat avait, en effet, évoqué en juillet dernier le cas des entreprises qui réalisent des bénéfices à transférer dépassant de beaucoup leur volume d'investissement. “Est-ce là de l'investissement ?”, s'était interrogé le président de la République qui avait appelé au respect des règles en matière d'investissements et de partage de bénéfices. Pour les observateurs, deux options se présentaient aux autorités pour agir devant ce phénomène. Soit plafonner les montants des transferts soit les taxer. En fin de compte, c'est la deuxième solution qui a été préconisée. Certes, le discours du chef de l'Etat et l'appréciation surprenante que ce dernier a fait du travail de certains opérateurs étrangers installés dans le pays n'ont pas manqué de provoquer un véritable malaise dans les milieux d'affaires. Mais, si le Président semble complètement conscient de cette incartade commise à l'endroit de son discours habituel sur le dossier, il est loisible de s'interroger sur les éléments dont disposent les autorités et qui les ont poussés à revoir d'une manière aussi radicale leur conception de certains investissements étrangers. “Quelle mouche avait-t-elle piqué le chef de l'Etat ?”, pouvaient s'interroger les observateurs plutôt habitués à voir le président supplier les investisseurs de venir en Algérie promettant de leur accorder les facilitations nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Et lorsque l'on sait que le premier à avoir ouvert la brèche dans ce dossier c'est le Chef du gouvernement, l'on ne peut que supposer que la sortie du chef de l'Etat était préméditée. Il faut cependant préciser, à ce propos, que tous les opérateurs ne sont pas à mettre dans la même corbeille. Cependant, les autorités semblent avoir accordé une grande attention aux mises en garde exprimées par des experts nationaux quant aux conséquences sur le moyen terme de ces transferts qui grossissent d'année en année. Durant l'année écoulée seulement, les entreprises étrangères avaient rapatrié environ 7 milliards de dollars US de bénéfices. Dans les 10 à 15 prochaines années, la proportion pourrait atteindre les 50 milliards de dollars de transferts de dividendes, d'après l'économiste Abdelhak Lamiri. Si cette tendance des investissements spéculatifs est maintenue, ces transferts vont atteindre, selon M. Lamiri, 50 à 60 milliards de dollars US, soit l'équivalent des recettes pétrolières. L'ancien Chef du gouvernement Ahmed Benbitour a, également, été parmi les gens qui ont tiré la sonnette d'alarme par rapport à ces mouvements de capitaux. “Si nous mettons en face les rapatriements des bénéfices des seules sociétés associées à Sonatrach, nous constatons que sur un total de 2,82 milliards de dollars d'IDE (Investissement direct étranger) en 2005-2006, le rapatriement des bénéfices de ces sociétés s'est situé à 10,03 milliards de dollars”, explique M. Benbitour. C'est dire que si l'on regarde de près ces chiffres, les pouvoirs publics ne pourront rester les bras croisés devant ce phénomène des investissements spéculatifs qui risquerait d'épuiser les ressources nationales sans apporter la contribution attendue au développement de l'économie nationale. Hamid SaIdani