Les mouvements de protestation et de grève à travers le pays ont atténué quelque peu l'onde de choc que devait générer la récente affaire impliquant quatre Algériens dans des activités de renseignement et d'espionnage au profit d'une puissance étrangère. Les mouvements de protestation et de grève à travers le pays ont atténué quelque peu l'onde de choc que devait générer la récente affaire impliquant quatre Algériens dans des activités de renseignement et d'espionnage au profit d'une puissance étrangère. Interrogés à la barre par le président de la cour criminelle de Annaba sur leur employeur, trois des accusés ont donné la même réponse : «Nous avons travaillé pour la France via un responsable en poste au niveau de sa représentation diplomatique à Alger. C'est là où à chaque fois nous déposons des renseignements documentés et photographiés sur des sites stratégiques, sécuritaires et socioéconomiques que nous collectons en différentes régions du pays». Cet aveu n'a pas échappé au parquet de Annaba à la lecture du compte rendu d'audience et de la condamnation des 3 accusés à la même peine de prison ferme de 10 ans pour les faits d'intelligence et de trahison. D'autant que les 3 accusés ont reconnu les faits alors que la quatrième personne impliquée, une femme, a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis pour non-dénonciation de crime. La sévérité du réquisitoire du représentant du ministère public qui a requis la peine capitale pour les 3 hommes et 5 ans de prison ferme pour la femme est un autre argument qui a imposé au procureur général d'interjeter appel. L'affaire devrait dépasser le cadre judiciaire pour atteindre celui diplomatique. C'est en tous les cas la lecture faite par des observateurs sur la dernière déclaration de Mourad Medelci, notre ministre des Affaires étrangères quant au «dossier transmis à qui de droit». Il s'était exprimé lors de la conférence de presse qu'il avait animée à Alger aux côtés de son homologue cubain. Selon nos sources, cette «transmission» obéit à des instructions venues de la présidence algérienne excédée par cette affaire impliquant des services français. Elle s'ajoute à plusieurs autres. Dans le lot, celle du réseau de renseignement que dirigeait à partir de Annaba, de 1980 jusqu'à la fin des années 1990, Brahim Z, un ancien harki jouissant de la double nationalité algérienne et française. Il s'est avéré être un agent de renseignement des services secrets français et avait accès à tous les services au consulat de France à Annaba. Ses entrées y compris dans les administrations les plus étanches au public, lui ont permis d'infiltrer le milieu économique et politique régional et national. Durant 3 mandats, il s'était fait élire à la présidence de la Chambre de commerce et d'industrie. Sur sa lancée, il se fit désigner à la vice-présidence de la délégation exécutive de wilaya, côtoya de hauts responsables comme le regretté Mohamed Boudiaf, le président du Haut Conseil de l'Etat assassiné, des ministres, hommes politiques et diplomates. Son jeu d'influences lui avait permis d'avoir droit d'accès à toutes les institutions de la République et de prendre possession de documents y compris les plus confidentiels. De se rendre aussi en des lieux difficilement accessibles au commun des mortels. Ses antécédents de goumier tortionnaire durant la lutte armée pour l'indépendance et de taupe en Algérie des services secrets français à partir des années 1980, avaient été révélés par la presse algérienne. Informé par les membres de sa filière de renseignement de l'inéluctabilité de son interpellation par les services de la Direction territoriale de recherches et d'investigations, il a pris la fuite au début des années 2000. Il avait préalablement vidé ses deux comptes bancaires riches de plusieurs dizaines de millions de dinars et en devises et laissé une ardoise fiscale de plus de 30 millions DA. Moins de trois mois plus tard, il sera remplacé par un autre agent de renseignement. Il s'agit de Messalhi Saïd ayant la triple nationalité palestino-israélo-française. A son arrivée à Annaba, il s'était présenté comme étant un investisseur dans le secteur de la récupération des déchets ferreux en association avec deux Turcs. Ces derniers disparaîtront mystérieusement quelques jours après la création, sans aucun associé algérien, de la société algéro- turque du fer ATF. Aussitôt installé dans la zone industrielle du Pont Bouché, cet investisseur réussira grâce à des complicités bien placées dans nos administrations à se faire établir une carte nationale d'identité lui conférant, de fait, sa nationalité algérienne et la 4ème. Il ne ratait pas une occasion pour l'exhiber y compris devant des inspecteurs des impôts venus s'enquérir de la situation fiscale de son entreprise. C'est donc sous la couverture d'investisseur et en arrosant en dinars et en devises des responsables locaux corrompus, qu'il avait pu agir. Comme son prédécesseur, Messalhi avait aussi toute latitude pour accéder au Consulat de France à Annaba et à l'Ambassade de France à Alger. Trop gourmand, il était tombé à la suite d'une affaire de fraude fiscale. Blanchi en 1ère et 2ème instance, il a été condamné par contumace à 20 ans de prison ferme en 2010. Son «employeur» en France l'a activement aidé à quitter l'Algérie à destination du Maroc où il sera pris en charge par le makhzen. L'autre affaire liée au réseau de renseignement français en Algérie concerne les 21 kg de cocaïne. Elle avait été mise au jour en 2009 par la gendarmerie de la wilaya d'El Tarf. Emballée dans des boîtes étanches, cette drogue avait été larguée en mer à moins de 3 miles des côtes de El Kala par une embarcation en provenance de la Tunisie de Ben Ali, grand allié des Français. L'objectif était de jauger des capacités d'intervention des Algériens dans la perspective d'une opération destinée à inonder de drogue l'Algérie. L'affolement d'un jeune passeur membre du réseau à hauteur d'un barrage à proximité de la ville de El Kala a permis aux gendarmes de mettre la main sur 6 kg. Selon les aveux faits aux gendarmes par le marin-pêcheur qui les avait «pêchés», les 15 autres kg de cocaïne auraient pris la route de Tunisie. Un comparse se serait chargé de les faire passer dans ce pays avec la complicité des services de sécurité tunisiens. Cet autre échec a imposé aux Français de tenter de monter une cabale impliquant l'armée algérienne dans l'assassinat des sept moines de Tibhirine. C'est ce qu'a révélé devant les magistrats, les avocats de la défense et du public présents à l'audience de la cour criminelle de Annaba, Boucharma Khemissi l'un des 4 accusés. Il a précisé qu'un diplomate français l'a chargé de se rendre en France avec des faux papiers d'officier algérien et de dénoncer cette implication devant les médias de l'Hexagone. La cabale avait pour but de détourner l'attention des autorités algériennes de l'affaire du diplomate algérien Hassani injustement impliqué par les services secrets français dans l'affaire Mecili. C'est dire que le dossier des 4 Algériens accusés et condamnés à Annaba pour intelligence avec l'étranger et trahison, devrait se transformer en affaire d'Etat. N'est-ce pas l'interprétation à donner à la déclaration de Mourad Medelci, notre ministre des Affaires étrangères lorsqu'il affirme : «jugée par la justice algérienne qui a statué sur le sort des Algériens impliqués, l'affaire reste ouverte au niveau diplomatique. C'est une affaire sensible qui sera remise entre les mains de qui de droit». Et lorsque l'Ambassadeur de France à Alger intervient pour démentir l'implication de son pays dans ce dossier, il y a lieu de dire que c'est effectivement une affaire d'Etat. A. Djabali