La cour de Tizi Ouzou a eu à connaître d'une affaire d'espionnage et de collecte de documents ayant trait aussi bien à la sécurité nationale qu'à l'économie. Le tribunal criminel près la cour de Tizi Ouzou a examiné, à huis clos, lors de sa séance du 7 juillet, le cas de S. Saïd, 44 ans, originaire de Tizi Ouzou, et journaliste au journal Le Matin, basé en Côte d'Ivoire, et celui d'un policier considéré comme son comparse. Les charges pesant sur S. Saïd étaient des plus lourdes, il s'agissait tout simplement de collecte de renseignements et de documents au profit d'une puissance étrangère. Son coaccusé T.Ali, originaire de M'sila, est un policier, ex-élément de la Bmpj de Tlzi Ouzou. L'affaire remonte au jour où S. Saïd a fait paraître dans son journal un «papier» portrait de Itzhak Rabin, un papier qui semblait assez flatteur et dans lequel il présentait Rabin comme «un homme de paix» en s'interrogeant sur le devenir des accords de paix après la disparition de ce dernier. Ce papier paru dans Le Matin qui aurait déclenché les démarches du Mossad israélien. Approché, semble-t-il, par le consulat israélien à Abidjan, S. Saïd devant, dit-on finir par collaborer de son plein gré ou autrement avec ces services. Durant le procès qui s'était tenu à huis clos, on devait rencontrer dans les couloirs de la cour de Tizi Ouzou des journalistes faisant le pied de grue attendant quelques informations, des envoyés de chaînes de télévision arabes essayant de récolter par-ci, par-là, des bribes sur l'affaire. II semble que S. Saïd aurait été envoyé en «mission» après avoir été «invité» en Israël où il aurait passé une quinzaine de jours. C'est ainsi que S. Saïd aurait «opéré» dans plusieurs pays dont le Maroc, la Tunisie, le Liban et l'Algérie. ll aurait même effectué des missions dans les camps des réfugiés sahraouis. Arrêté à la frontière algéro-marocaine, S.Saïd est extradé vers l'Algérie, présenté devant le tribunal militaire de Blida, en mars 2006, l'affaire est ensuite renvoyée devant la cour de Tizi Ouzou. Dans la matinée d'avant-hier, le principal accusé, S.Saïd a été entendu durant près de cinq heures par les juges. Selon des sources, assisté de Me Saâdoune, son avocat, l'accusé n'a pas nié avoir séjourné en Israël et affirme qu'il ne faisait que son travail de journaliste en rejetant les lourdes accusations d'espionnage. Son avocat s'adressant â la presse devait préciser que son client «a rejeté les faits retenus contre lui dans l'arrêt de renvoi et affirmé n'avoir fait que son travail de journaliste». Le procureur de la République aurait, selon nos sources, dressé un lourd réquisitoire demandant une «peine de 20 ans d'emprisonnement contre le principal accusé et dix ans contre son comparse présumé, T.Ali.» Les plaidoiries étaient, dit-on, aussi longues que pleines d'effets de manches et la défense aurait tout simplement plaidé le fait que son mandant est journaliste et ne faisait que son métier. A l'issue des délibérations, les juges revinrent avec le verdict: 10 ans de prison ferme contre le principal accusé et la relaxe pour le policier présumé être le comparse en étant l'une des sources d'information de l'accusé. D'ailleurs, devant les juges, ce dernier devait affirmer qu'il ne savait pas que «celui qu'il considérait comme un journaliste travaillait en fait pour des puissances étrangères». Le rideau est finalement tombé sur une scabreuse affaire où un journaliste s'est transformé en espion. Les citoyens qui avaient eu vent de cette affaire n'en revenaient pas. Comment un Algérien pouvait «être enrôlé et travailler pour une puissance étrangère et plus particulièrement pour le Mossad?» Et tous de dire: «il est bon que pareille erreur ne survienne plus, car, malgré tout, les algériens doivent un respect pour ce pays du million et demi de martyrs!» Encore sous le choc de cette révélation, les citoyens se demandent le pourquoi de cette perte de repères et de valeurs.