L'affaire de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF) Annaba, révélée par la presse courant l'année 2009, a connu son épilogue hier dimanche à Annaba. De par l'importance du préjudice financier, plusieurs dizaines de millions de dollars et d'euros commis au détriment du Trésor public et de l'implication directe de six des principaux cadres gestionnaires de la SNTF, cette affaire avait défrayé la chronique nationale et locale durant plusieurs mois. Le jugement avait été mis en délibéré le 10 de ce mois par le président du tribunal correctionnel de Annaba après audition des témoins à charge (des cadres auteurs de la dénonciation), et le réquisitoire du représentant du ministère public ponctué par sa demande d'infliger aux huit mis en cause une peine de cinq ans de prison ferme et une forte amende et les plaidoiries des avocats de la défense ponctuées par une demande d'acquittement de leurs clients. C'est devant une salle d'audience comble qu'hier matin le président du tribunal correctionnel de Annaba a prononcé le verdict. Ainsi, 5 cadres parmi les huit mis en cause ont été condamnés à une peine de 4 ans de prison ferme assortie d'une amende de 200.000 DA, deux de leurs collaborateurs à 2 ans de prison ferme alors qu'un troisième a bénéficié de l'acquittement. Les huit condamnés dont les deux directeurs régionaux qui s'étaient succédé à ce poste de responsabilité, leur 1er adjoint, le chef d'établissement matériel et le chargé du matériel ont été reconnus coupables de faux en écriture dans l'établissement de documents commerciaux et comptables, dilapidation et détournement de patrimoine et deniers publics. Un verdict du reste attendu au regard des preuves matérielles et documentées que les enquêteurs de la gendarmerie nationale en charge du dossier avaient collectées au fil de leurs investigations. Il faut préciser que leur mission avait été grandement facilitée par la collaboration de plusieurs anciens cadres régionaux de la SNTF Annaba. Deux de ces cadres notamment qui, durant plusieurs mois, n'avaient pas cessé d'alerter leur direction générale sur de nombreuses irrégularités dans la gestion des stocks de pièces de rechange. Dans leurs écrits, ils soulignaient constamment l'importance du préjudice commis à la société dans la vente des pièces neuves cédées comme étant des déchets. «Il s'agit de pièces neuves acquises en contrepartie de plusieurs dizaines de millions de dollars ou d'euros et de matériel remorqué vendu sous la forme de déchets ferreux sans procès -verbal de réforme», répétaient inlassablement les deux cadres. Pour toute réponse, ils seront mis à l'écart et seront soumis à de nombreuses mesures d'intimidation visant à les faire définitivement taire. Les actes qui duraient depuis des années n'avaient pas cessé pour autant. La mise à sac allait se poursuivre avec la complicité d'un opérateur étranger. Spécialisé dans le commerce d'équipements ferroviaires, ce dernier se faisait un plaisir de racheter à un prix bradé des déchets ferreux, les corps de roue, axes d'essieux, carcasses de bogies, ressorts à lames, de la TN 40 à l'état neuf. Dans le groupe de gestionnaires vereux du matériel ferroviaire, c'était à qui vendrait, à la en veux-tu en voilà, les produits destinés au wagonnage comme les triangles, cylindres, réservoirs de frein, bielles de liaison, mécanisme de vidange, roulements et accessoires de montage… L'opérateur étranger n'hésitait pas à payer des séjours dans un des pays (au choix) du Nord de la Méditerranée à ses interlocuteurs responsables algériens de la SNTF Annaba. Selon nos sources, il aurait pris la SNTF Annaba pour la caverne d'Ali Baba d'où il pouvait, à l'envie, acquérir à la tonne et à des prix véritablement dérisoires des déchets ferreux, les équipements ferroviaires neufs qu'il avait lui-même fournis à prix fort à l'Algérie. Malgré les menaces, les intimidations et les fausses opérations d'audit ainsi que les ordres qu'ils recevaient pour renoncer à leurs accusations, les deux cadres auteurs de la dénonciation avaient résisté. Un d'entre eux, père de famille refusant tout compromis car dira-t-il, il s'agit de l'intérêt du pays, adressera une correspondance au procureur de la République près le tribunal de Annaba dans laquelle il a souligné : «Nous assumons pleinement nos accusations. Nous sommes prêts à en répondre devant la justice au cas où les actes dénoncés s'avéreraient être une calomnie». Il a fallu un changement à la tête de la direction générale à Alger, pour qu'un coup d'accélérateur soit donné au dossier. Il a été ponctué par la mise sur pied d'une commission d'enquête. Les cadres dépêchés à Annaba ne tarderont pas à mettre la main sur l'ensemble des preuves matérielles et comptables attestant du bien-fondé des accusations des deux cadres. Bien avant, ce changement, soutenus par l'ensemble des travailleurs de la direction générale et d'autres cadres, les auteurs de la dénonciation s'étaient également adressés au président de la République. Mais c'est certainement l'énorme travail d'investigation et de recherche des enquêteurs de la gendarmerie qui a permis de confirmer les faits reprochés et ce bien après bien les vicissitudes vécues par les deux auteurs de la dénonciation et la procédure judiciaire qui n'est pas allée au fond. A. Djabali