Biskra. La reine des Ziban. Cette ville du Sud- Est algérien a toujours attiré des visiteurs venus des quatre coins de la planète. Poètes, artistes, écrivains, historiens ou philosophes, ils sont nombreux à y avoir posé leurs bagages qui pour le travail, qui pour le plaisir, et de s'être délectés, le temps d'un séjour, des merveilleux paysages que renferme la région. Si nul n'ignore le séjour d'Ibn Khaldoun ou celui d'André Gide à Biskra, en revanche, le passage dans la ville d'autres personnalités, à l'image d'Anatole France, Robert Smythe Hichens, Francis Jammes, Oscar Wilde ou des frères Tharaud reste quelque peu connu. Le comte Landon, un esthète original Le comte Albert Landon de Langeville fait également partie des personnalités qui ont vécu à Biskra. Pour ce notable anglais, né en 1844, la vie à Biskra s'est imposée un peu comme une évidence. Atteint d'une maladie chronique, le comte Landon était à la recherche d'un lieu où il pourrait vivre normalement, sans avoir à souffrir de ces sempiternelles et éreintantes crises d'asthme. Là, dans cette ville du Sud algérien, c'est enfin possible. Aussi, et pour pouvoir vivre dans un confort qui sied à son rang, il acquiert en 1872 un terrain de 10 hectares où il bâtit sa demeure, entourée d'un parc immense et mirifique dont il fera un petit coin de paradis, pour sa famille et lui-même. Mais la beauté des lieux se fait peu à peu savoir à travers l'Europe entière. C'est pourquoi, le comte décide d'en faire un lieu de résidence et de villégiature pour les familles de la noblesse européenne, en visite dans la région de Biskra, notamment pendant la saison hivernale. Il y intègre d'autres espaces de confort, comme une église, un restaurant, un bar, etc. Parc Landon, “The Garden of Allah” Situé en bordure de l'oued Sidi Zarzour, dans le quartier Châtenier, le parc Landon s'étendait, à l'origine, sur une superficie totale de 10 hectares. Son propriétaire qui avait dans l'idée d'en faire un jardin comme les jardins anglais, célèbres par leurs allées sinueuses et leur végétation abondante, y a investi beaucoup de moyens pour clôturer entièrement le terrain, tracer les allées et les pelouses, amener l'eau potable, créer les seguias d'irrigation, construire des passerelles, concevoir des jardins, etc. Cela a nécessité une main-d'œuvre nombreuse mais surtout onéreuse et des années d'efforts soutenus et ininterrompus. Dès le départ, ce jardin se spécialise dans l'acclimatation d'espèces tropicales, subtropicales et méditerranéennes à caractère ornemental et utilitaire. En dehors des palmiers, arbre roi de cette région du Sud, plus d'une centaine d'autres espèces végétales comme le bougainvillier, l'acacia, le duranta, le jasmin, le lys, l'hibiscus, le bigaradier, le palmier nain, le phœnix dactyliféra, le platane, le pin, le chêne, le caroubier, l'eucalyptus et d'autres végétaux exotiques ont été importés aux frais du comte de contrées lointaines. Lieu d'attraction et d'inspiration, devenu très vite un havre de paix, le parc Landon ne tarde pas à recevoir des visiteurs de toute l'Europe. Le propriétaire décide alors dès 1890 de bâtir un pavillon destiné à recevoir les artistes et les poètes. Béla Bartok, Oscar Wilde, Scott et Zelda Fitzgerald, André Gide, Nasreddine Dinet, Eugène Fromentin, L. Rousseau, Karl Marx, Anatole France, Francis Jammes, Henri Matisse et bien d'autres noms connus du monde des arts et des lettres ainsi que des centaines d'anonymes, viendront s'y ressourcer. Certains y trouveront l'inspiration. C'est le cas d'Oscar Wilde et des frères Tharaud qui conçurent dans ces jardins « La Fête arabe », de Robert Hitchens qui y écrivit son célèbre «Garden of Allah», ou encore d'André Gide qui s'en inspira pour commencer l'écriture des « Nourritures terrestres» car il avouera avoir découvert dans ce lieu «des fruits de saveur sauvage et subite». Louis Bertrand le décrira comme «une serre géante qui réunit les plantes et les arbres aux origines les plus diverses et lointaines, lieu de volupté et d'oubli». Quant à Francis Jammes, il dira avoir découvert dans le parc Landon de Biskra «les palmes rigides pareilles à des bouquets de fer tranchant l'azur...». Un patrimoine tombé en désuétude Classé en l959 patrimoine communal de Biskra, le parc Landon a été placé sous la tutelle de la municipalité. Avec le temps, il sera rogné sur sa superficie. Aujourd'hui, les 4 hectares restants sont quasiment à l'abandon. Peu fréquenté, notamment durant la décennie noire, cet espace est tombé en désuétude. Fréquenté par des voyous de tout acabit, le parc Landon est devenu un espace au laisser-aller évident. Ainsi, la résidence du comte a été reconvertie en siège de l'association de l'environnement, la cuisine est devenue une bâtisse abandonnée, l'église occupée par l'Association des beaux-arts, le restaurant et le bar ont été reconvertis en bibliothèque et club de théâtre, la pépinière transformée en vaste espace vague et le lac des cygnes complètement asséché. Déserté par les familles autant que par les touristes, il a été fermé le 1er octobre 2008 par les autorités communales. Si la mesure a pour but de sauver cet espace de la déchéance dans laquelle il a sombré, il reste que des efforts soutenus doivent être fournis pour redonner au parc Landon son lustre d'antan et en faire, enfin, un pôle de biodiversité, entièrement dédié aux amoureux de la nature et de l'environnement. Hassina A.