Après avoir déserté les galeries pendant six longues années pour se consacrer à d'autres projets, notamment dans le cinéma et l'écriture romanesque, l'enfant terrible de la peinture algérienne revient dans une exposition haute en couleurs et…en formes, visible, jusqu'au 15 mai, à la galerie Racim. «Ouahed ou a3chrine», vient ainsi marquer les 21 ans de carrière d'un artiste qui ne cesse de se renouveler et, par là même, de nous surprendre. Un artiste à l'imagination à la fois débordante et féconde mais aussi loin des conventions et…convenances de la peinture classique. Ce sont, en tout, 62 œuvres qui sont données à voir, des œuvres à travers lesquelles Jaoudet Gassouma -«Joe» ou «El Djo» pour les intimes- fait passer plusieurs messages. Au-delà de ces figures dégingandées, désarticulées, la réflexion est profonde. Elle se lit entre les courbes de ces personnages quelque peu loufoques, si chers à Jaoudet. La halte est donc festive, chamarrée, par moments, gouailleuse et goguenarde mais elle nous pousse à porter un autre regard sur notre société. Un regard sans fausse compassion sur les laissés-pour-compte, les mal-aimés, les désœuvrés de tout bord ; une sorte d'hommage à la fois doux et amer à la condition humaine. Et il n'y a pas que la société algérienne qui l'inspire puisque l'artiste se laisse aller à explorer les racines de l'Afrique profonde, en s'intéressant de près aux peuples anciens, à leurs traditions… Les titres de ses œuvres, de ce fait, fort éloquents : «Kool Eurs», «Papicha», «Tebki Dem», «Move it bougi», «Nigroo harrago», «Bahlool Lemdina», «Yemchi Fel Lil» montrent combien l'artiste sait manier l'art de la dérision et de la facétie, avec une vision réfractaire au conventionnalisme ambiant. Se réclamant d'un style, se situant à mi-chemin entre le néo pop-art et la peinture urbaine, Jaoudet n'hésite pas à user et abuser des couleurs vives et chaudes, laissant ainsi s'exprimer son côté «subversif», quant aux formes, elles dévoilent le côté sarcastique et érotisant d'une peinture qui est loin de laisser indifférent. Lors du vernissage de l'exposition, Jaoudet Gassouma avait expliqué que sa peinture «était le fruit de plusieurs influences, un peu à la Picasso, un peu à la N'débélé. C'est aussi des influences visuelles, africaines et méditerranéennes, allant des dessins corporels des Massaïs, aux décorations murales de l'Egypte ancienne, en passant par la robe de ma grand-mère (robe kabyle), avec ses couleurs flamboyantes». Quoi qu'il en soit, que vous soyez profane ou averti, la peinture de Jaoudet Gassouma a toutes les chances de vous interpeller, alors n'hésitez pas à y faire un tour ou un détour ! Hassina A.