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Afin que nul n'oublie
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 09 - 2011

Ce livre qui parle de la guerre d'Algérie nous rapproche un peu de la vérité sur le rôle joué par Mitterrand dans la politique d'un gouvernement colonial allant à contre-courant d'un processus mondialiste de libération des peuples opprimés.
Connus pour leurs hautes compétences en histoire, les coauteurs apportent à qui veut le consulter une sélection de documents de valeur sur l'action de l'ancien président français et de l'équipe à laquelle il avait appartenu durant les années 1954-1957, des années cruciales de notre guerre de libération. Qui eût dit qu'avant de se faire élire comme chef de l'Etat pour deux mandats consécutifs, Mitterrand avait dirigé successivement de 1954 à 1957 deux ministères clés à position stratégique dans la répression contre les combattants algériens qui luttaient pour un idéal sacré, le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice. Les sources bibliographiques données en annexe sont indicatrices d'une immense diversité de documents consultés et de la volonté de coproducteurs de ce livre d'être aussi objectifs que possible. Trois années déterminantes pour la révolution Mitterrand fut donc ministre de l'Intérieur lorsqu'éclata la révolution du 1er Novembre 1954. A ce sujet, le livre nous rapporte ces quelques propos significatifs et lourds de conséquence : «Cela éclate donc le 1er novembre 1954, j'envoie immédiatement tous les renforts dont je pouvais disposer et les CRS. Et j'ai reçu un télégramme de remerciements de l'association des maires d'Algérie, que présidait Amédée Froger, une association extrémiste, me remerciant de faire l'impossible.» Il faut croire que l'ancien président français n'avait pas compris la portée exacte de l'insurrection dont l'issue était certaine. C'est pourquoi le ministère de l'Intérieur de cette époque, responsable de la sécurité, avait mis en place une série de mesures susceptibles d'arrêter le mouvement et inspirées des guerres précédentes : arrestation des meneurs et des fauteurs de troubles, interdiction de se rassembler, torture, emprisonnements... En appliquant ce vaste programme, Mitterrand et les autres avaient la conviction de remporter la victoire. Ferhat Abbès, qui avait rejoint le FLN en 1956, avait brossé un tableau de la situation en Algérie plusieurs mois avant le 1er novembre à Mitterrand qui prenait à la légère cette affaire de soulèvement qui allait s'internationaliser avant de déboucher sur les négociations d'Evian. La France coloniale s'était choisi pour une sale besogne Mitterrand, sous le couvert de Guy Mollet, président du Conseil, et l'aide de Robert Lacoste, gouverneur de l'Algérie. Les auteurs du livre nous révèlent ce que Mitterrand a dit plusieurs décennies plus tard : «J'ai commis au moins une faute dans ma vie, celle-là.» Par faute, il voulait minimiser la gravité de sa mission de répression étalée sur des années. Ce qui a fait dire à Michel Rocard, ancien Premier ministre : «Il est vrai qu'un jour, je l'ai traité d'assassin au sujet de l'Algérie.» Pour ne pas perdre l'Algérie, employer tous les moyens Limitons-nous donc aux trois années de Mitterrand, dont les deux mandats ministériels ont été marqués par de tristes péripéties. Au lendemain de 1954, le dispositif militaire a été renforcé à la valeur d'une mobilisation générale en métropole. Ce qui laissait présager des années de mauvais traitements, des sévices des plus atroces allaient être appliqués aux inculpés et suspects. La guerre s'installait au fils des mois. Ce que des Algériens impliqués se rappellent le plus, ce sont les ratissages, les bombardements. Comme en 1830, la France coloniale avait fait disparaître des villages. On n'oubliera jamais la prison de Barberousse pour sa guillotine, ses bourreaux, ses tortionnaires. Que d'Algériens s'y sont fait torturés à mort à défaut d'être décapités. A Barberousse sont liés les noms d'Ahmed Zabana, Abdelkader Ferradj, Larbi Ben M'hidi qui ont subi la guillotine, mise à mort la plus féroce choisie par un pays civilisé. Parmi les bourreaux qui avaient battu le record, le livre rapporte le nom de Fernand Meissonnier. Et la pire des tortures, c'est l'utilisation des bains électrisés dans lesquels ont été baigné nos braves concitoyens pour les faire souffrir au maximum. Et dans des villas isolées, on expérimentait les méthodes les plus atroces que les historiens ont le devoir de relater afin que nul n'oublie. A Bel Abbès, on a enfermé vingt-trois habitants d'un village dans des cuves à vin d'une ferme désaffectée, en guise de torture. Et faute d'aération, on a retrouvé morts la plupart des victimes. «Services spéciaux», du commandant Aussaresses, devenu général, relate des faits inimaginables, comme le cas du juge Bernard qui avait pour mission de tenir informé le cabinet de Mitterrand directement, à partir des chefs militaires qui exerçaient un pouvoir spécial sans passer par le parquet. Un livre à lire pour mieux comprendre comment l'indépendance a été arrachée et repenser l'avenir en vrai Algérien. N'oublions pas aussi de dire que ce livre émane de deux historiens français dont les discours ont été toujours idéologiquement marqués. «François Mitterrand et la guerre d'Algérie» de François Maye et Benjamin Stora, Essai Sedia, 2011, 231 pages.

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