« L'eau est un produit social, il ne faut pas toucher à son prix», a affirmé Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eau, dans un entretien à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction. Il rappelle que les tarifs, fixés par décret du gouvernement et appliqués par l'ADE (Algérienne des eaux) sont différenciés selon 5 catégories d'usagers et 4 régions du pays. Les gros industriels paient une taxe sur leur consommation d'eau, fait-il remarquer, et l'eau tirée des puits est de plus en plus payée ; il y a d'ailleurs, fait-il savoir, un recensement de tous les forages et puits. C'est le travail de la police des eaux, opérationnelle dans plusieurs wilayas, notamment Mascara, qui traque les mauvais usages de l'eau, comme l'irrigation avec les eaux usées, les piquages illicites et autres fraudes. Cette police, précise le ministre, est constituée de techniciens et d'ingénieurs recrutés selon les possibilités offertes par les postes budgétaires accordés à cette filière par la Fonction publique. Ils sont auxiliaires de justice et dressent des procès verbaux qui permettent d'ester les contrevenants, fait-il observer. M. Sellal estime que la bataille à gagner est que tout le monde paie l'eau, dans ce cas, dit-il, nous n'aurons même pas à augmenter son tarif. Il ajoute que la gouvernance de l'eau concerne également la qualité de service dans la distribution. L'économie de l'eau fait partie de la démarche du ministère qui agit dans trois directions : la modernisation des réseaux, la lutte contre les fuites et la sensibilisation du consommateur pour l'amener à utiliser avec modération cette ressource rare. Le ministre a évoqué la situation hydrique du pays en la qualifiant, en matière d'apport, de situation acceptable. Il a annoncé la création de trois zones de sécurité hydrique : autour du système Beni Haroun, pour l'est du pays ; le système Taksebt, au Centre ; le Gargar, à l'Ouest. L'objectif est d'avoir 90 barrages en 2015/2016, dit-il, pour emmagasiner suffisamment d'eau. La sécurité alimentaire est une préoccupation que partage Abdelmalek Sellal avec son collègue du gouvernement, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaissa. Actuellement, 65% de l'eau produite va à l'agriculture et, à terme, cette proportion sera de 70%, prévoit M. Sellal. Concernant les eaux souterraines, pour le Sud, elles ne posent pas de problèmes, 3 à 5 milliards de mètres cubes sont pompés, fait remarquer le ministre. Pour le nord du pays, la situation est différente, dit-il, on évite de faire appel à la nappe qui est surexploitée, car il y a le risque d'intrusion des eaux salines. Ainsi, fait-il observer, Seaal utilise nettement moins le champ captant de Baraki. L'ANRH (Agence nationale des ressources hydriques) s'attelle à lutter contre le phénomène d'intrusion des eaux salines dans les nappes d'eaux souterraines, fait savoir le ministre. Abordant la question des eaux non conventionnelles (eau de mer dessalée et eau usée épurée), M. Sellal annonce la prochaine réalisation d'une grande station d'épuration des eaux usées qui sera implantée à Boufarik et dont l'eau épurée servira à recharger la nappe souterraine. Actuellement, dit-il, 650 millions de mètres cubes d'eau sont épurées par 105 stations d'épuration, à comparer, ajoute-t-il, avec les 90 millions de mètres cubes qui étaient épurées en 2000 quand le parc de stations d'épuration se limitait à 28 installations dont la plupart étaient en panne. Il confirme le cap d'un milliard de mètres cubes à épurer (l'équivalent de la capacité du barrage de Beni Haroun, fait-il observer) et à diriger vers l'agriculture et le rechargement de nappes, avec la réalisation de 47 nouvelles stations d'épuration. En même temps, ajoute-t-il, il faut préserver tout cet investissement. Il fait savoir que l'ONA (Office national d'assainissement) prévoit la création, à Boumerdès, d'une école de formation dans l'assainissement et l'épuration des eaux usées. Dans le même but, une filière assainissement est créée à l'école de management d'Oran. Le ministre confirme que la situation de l'alimentation en eau potable est sécurisée à Oran et, ajoute-t-il, il y aura même un surplus quand la grande station de dessalement de Bethioua (500 000 mètres cubes par jour) entrera en production. Autre ville dont la situation va s'améliorer : Blida, qui recevra, selon le ministre, un apport à partir de l'ouest d'Alger de l'ordre de 20 000 puis 80 000 mètres-cubes par jour. M. Sellal cite également le cas de Tamanrasset qui a de l'eau grâce au transfert In Salah-Tamanrasset, le plus grand du monde, estime-t-il. A propos de l'expérience de la gestion déléguée de l'eau, le ministre semble satisfait par les objectifs atteints à Alger mais aussi Oran (où il reste le volet assainissement, précise-t-il) et Constantine (où ça s'améliore, dit-il) ; nettement moins à Annaba et El-Tarf où le constat d'échec a conduit à la résiliation du contrat avec le partenaire allemand sans que l'on sache encore si l'expérience sera renouvelée dans cette wilaya avec un autre partenaire étranger ou si ce sera à l'ADE et à l'ONA à prendre le relais pour redresser la situation. Pour Alger, le ministère des Ressources en eau est en négociation avec Suez-Environnement pour la reconduction, en septembre, de l'accord concernant Seaal, a annoncé M. Sellal qui espère que ce partenariat se poursuivra pour consolider les résultats obtenus. L'apport des étrangers est également sollicité pour l'entretien des installations liées au grand transfert In Salah-Tamanrasset (en particulier pour les stations de pompage), souligne le ministre. Comment sera la situation cet été qui a la particularité de coïncider, durant le mois d'août, avec le Ramadhan ? Il y aura de l'eau, assure M. Sellal qui estime, toutefois, que la distribution en continu toute la journée (le fameux H24) découlera d'un travail de très longue haleine. En 2000, rappelle-t-il, l'Algérien recevait en moyenne nationale 90 m3/jour, en 2011 on en est à 170 m3/jour et l'objectif est d'arriver à 185 m3/jour, conclut le ministre.