Ces derniers mois et particulièrement à l'approche du ramadhan et de la campagne de cueillette et de transformation de la tomate, celle-ci, fraîche (TF) ou en concentré double et triple (DCT/ TCT) fait parler d'elle. Le sujet est abordé au plan économique par les agriculteurs producteurs, conserveurs, agronomes, les services du ministère de l'agriculture et du Commerce, les importateurs et les commerçants. Au plan social, il intéresse les quelque 100 000 travailleurs permanents et saisonniers de la filière ainsi que les ménagères pour lesquelles le concentré de tomate reste incontournable dans certaines préparations culinaires. Cependant, contrairement aux précédentes années, ce n'est plus le dossier empoisonné auquel avaient été confrontés les responsables au ministère de l'agriculture. En 2011, il est question d'une rentabilité de 600 à 800 quintaux/ha de récolte de tomate fraîche (elle était de 170 à 200 q/ha jusqu'à 2005), de production nationale de C.T. en hausse et de la qualité de ce fruit. On peut même dire que la mafia algérienne de la tomate a été mise en échec. Cela transparaît dans le comportement des nageurs en eaux troubles, disséminés dans le lot des patrons des 15 conserveries à l'arrêt depuis 2008. La désinformation qu'ils distillent ces derniers jours a pour but de plonger la filière tomate dans un de ces grands débats dont les transformateurs sont coutumiers. C'est dire que dans les réunions comme dans les rencontres et conciliabules secrets qui font la politique de l'agroalimentaire, la question du concentré de tomate n'a pas fini de rebondir, de diviser et de bousculer les clivages. Trois ou quatre conserveurs habitués des magouilles animent et provoquent toute démarche allant dans le sens contraire au développement de cette filière agricole. Il est vrai qu'après de longues années d'atonie, la production de la TF et du CT, devenue un véritable enjeu de société, a repris d'une manière ascendante et régulière. Ce qui n'est pas fait pour arranger les affaires des bénéficiaires de crédits bancaires importants non remboursés depuis des années, des auteurs de fraudes fiscales et arnaques à l'emballage. C'est que l'équivalent en monnaie locale et en devises des besoins nationaux en CT n'a pas laissé indifférents les animateurs de la mafia de la tomate. Estimés à 80 000 tonnes/an, ces besoins augmentent annuellement de 3%. En perte de vitesse depuis 2008, cette mafia tente, une nouvelle fois, de semer le trouble. C'est ce qu'ils avaient fait au début des années 2000. Ce qui a eu pour conséquences la fermeture des 15 conserveries sur les 22 implantées principalement à Annaba, Skikda, Tarf et Guelma, la disparition de plus de 80 000 postes de travail directs et indirects, l'abandon de plusieurs milliers d'hectares, traditionnellement destinés à la tomate industrielle, une importante baisse de la production nationale de tomate fraîche, puis celle du concentré de tomate. L'augmentation de l'importation du CT, au grand bonheur des fournisseurs italiens, espagnols, tunisiens et turcs. Créée par et pour les transformateurs, l'Association des conserveurs de tomate (Actom) n'a pas été épargnée par ce nettoyage par le fond. Magouilles bancaires et détournement des aides accordées par l'Etat pour le développement de la filière devinrent des actes banals. Tout autant d'ailleurs que les saisies de conserverie et d'importantes quantités de concentré de tomate prêtes à la commercialisation. Les faillites étaient avancées comme argument pour éviter de rembourser. Les poursuites judiciaires n'étaient plus appréhendées. Elles étaient suivies par des opérations de ventes aux enchères des saisies. Le montant de la vente dépassait rarement les 10% des crédits consentis. Leur avidité n'ayant pas de limite en l'absence de toute véritable sanction, les animateurs de la mafia tentent actuellement de se positionner en victimes. Argumentant l'échec du système de gestion étatique de la filière tomate, ils accentuent la pression sur les pouvoirs publics. Ils sont aidés dans leur démarche par des pisse-copies pour imposer l'effacement de leur dette bancaire de plusieurs dizaines de milliards. Or, les prêts bancaires qui leur ont été attribués pour développer les activités de leur conserverie ont été transférés à l'étranger par divers moyens. Les uns avaient trouvé, avec la complicité d'un fournisseur étranger, l'astuce des fausses factures. Les autres par l'acquisition à l'importation de matériel de transformation rebuté. Une troisième catégorie ne s'embarrassait pas de scrupules en détournant localement les prêts bancaires vers des activités immobilières. Les rares conserveurs ayant pu résister à ce nettoyage par le fond de la filière donnèrent l'alerte. Dès 2008, six conserveurs multiplièrent les démarches auprès du ministère de l'Agriculture et auprès des agriculteurs. Leur objectif est de sauver ce qui pouvait l'être encore de la filière. Ils ont été entendus par le gouvernement avec la mise en place de différents dispositifs d'aide. Les deux plus importantes étant le déblocage d'importantes aides financières pour la réhabilitation de la majorité des 13 unités fermées et les subventions au kg de tomate fraîche fourni accordées aux agriculteurs et conserveurs. Les résultats ne se sont pas fait attendre avec une courbe ascendante constante du niveau de production de la TF, du CT et une augmentation importante des surfaces destinées à la culture de la tomate industrielle. Des conserveurs n'ont pas attendu le bon vouloir du gouvernement, à l'image du groupe des Conserveries Amor Benamor (CAB). En l'espace de quelques années, les gestionnaires de ce groupe ont chamboulé le paysage agricole et socioéconomique de la région et du pays. Ils ont également réveillé des compétences assoupies. Comme un rouleau-compresseur, le groupe CAB a débusqué les magouilleurs dans leur quiétude. Ses animateurs ont imposé à leurs homologues désireux de travailler et aux agriculteurs de se mettre à niveau. Et si les pâtes alimentaires produites par le complexe CAB El Fedjoudj (Guelma) sont très appréciées à l'étranger où elles ont été exportées, le concentré de tomate issu de la trituration de 3 conserveries (Bouatia- Fedjoudj-Boumaza l'équivalent de 7 000 tonnes/an) est très apprécié. Des résultats plus que probants que M. Brahim Fouad Benamor, directeur général adjoint dans le groupe, explique : «La filière tomate a fait au cours de ces 3 dernières années plus de progrès que depuis l'indépendance : augmentation de la production à l'hectare, augmentation des surfaces destinées à la tomate fraîche, développement de la mécanisation, nouveaux investissements pour la réalisation d'une industrie d'appui, comme celle de la fabrication d'emballage, meilleure maîtrise de la culture de la tomate et engouement certain des agriculteurs pour cette spéculation sont les résultats auxquels nous sommes parvenus. Nous pouvons mieux faire pour mettre définitivement un terme aux importations. Ce qui semble déranger certains.» Le groupe CAB est l'un des plus importants animateurs de la filière tomate en Algérie. Avec ses unités de transformation des produits agricoles, dont les blés dur et tendre, la tomate industrielle, le piment, le groupe CAB est à l'origine d'immenses progrès dans le rendement et le traitement des terres agricoles. Lundi dernier, il a inauguré sa 3e conserverie implantée à Boumaïza, dans la commune de Benazzouz (wilaya de Skikda). Ses représentants, dont l'ingénieur agronome Messaoud Chebbah, se disent prêts à relever d'autres challenges. Le développement de la production de la tomate industrielle à l'hectare à sec et en irrigué en est un. N'était l'attaque du mildiou qui a réduit à néant 30% de la production nationale de tomate fraîche prévue pour atteindre les 600 000 tonnes en 2011, soit une production record, le groupe Benamor aurait été la cheville ouvrière d'une nouvelle révolution agraire. Il va sans dire que sans les bonnes dispositions prises par le ministère de l'agriculture, notamment sa décision de mettre à l'écart les conserveurs magouilleurs, la situation serait demeurée inchangée. Outre les gestionnaires de CAB, des agronomes, comme Chebbah Messaoud et d'autres conserveurs, Izdihar, Souamaa, Latina, Mahbouba et Saca, se sont totalement impliqués dans la démarche visant au développement de la filière tomate. Tous sont d'accord pour affirmer que l'année 2012 sera celle de l'exportation des excédents de la production nationale de CT et TCT 100% algériens.