Des centaines de milliers d'Israéliens ont défilé samedi soir dans différentes villes du pays pour réclamer une baisse du coût de la vie ainsi que des changements sociaux, gagnant leur pari d'une forte mobilisation pour faire pression sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Cette plus grande manifestation de l'histoire d'Israël a rassemblé plus de 450 000 personnes, selon les organisateurs, au moins 300.000 d'après la police, un chiffre à rapporter aux 7,7 millions d'habitants que compte l'Etat juif. Cette pression publique, qui a d'abord été le fait de groupes d'étudiants installés sous des tentes, a augmenté spectaculairement depuis juillet pour devenir une mobilisation des classes moyennes à l'échelle du pays. «Toute une génération veut un avenir», proclamait une banderole brandie à Tel Aviv. Des manifestants sont aussi descendus dans les rues de Haïfa ou de Jérusalem. Certains criaient «le peuple exige la justice sociale». «Ce soir, c'est le moment culminant d'une protestation historique», a déclaré Amir Rochman, 30 ans, militant du parti israélien des Verts. Les promoteurs de la manifestation avaient qualifié ce samedi de «moment de vérité». Même si la participation n'a pas atteint le million de personnes un moment espéré, les commentateurs estiment que le mouvement marquera l'histoire d'Israël en propulsant les questions économiques au cœur de la politique israélienne, longtemps dominée par les questions de sécurité et de diplomatie. Les réseaux sociaux ont également joué un rôle dans la mobilisation, inspirée en partie par le printemps arabe. «Ce soir, la société va se diviser entre un ancien type d'Israélien qui se contente d'accepter les choses comme elles sont et un nouveau type qui va se joindra à nous pour insister en faveur du changement», a dit un dirigeant du mouvement, Itzik Shmuli, responsable du syndical national des étudiants. Bien que le pays connaisse un faible taux de chômage (5,5%) et un taux de croissance élevé, les disparités salariales inspirent des frustrations à beaucoup d'Israéliens. Une forte proportion de manifestants viennent des classes moyennes, qui supportent un lourd fardeau fiscal. Face à des manifestations hebdomadaires, Benjamin Netanyahu a mis sur pied un comité d'experts qui étudie une révision de la politique économique. Le gouvernement a également annoncé des réformes en matière de logement et de consommation. Le Premier ministre a cependant averti qu'il ne serait pas en mesure de satisfaire les revendications de tous les manifestants, qui vont des réductions fiscales au développement de l'enseignement gratuit en passant par une augmentation des budgets affectés au logement. «Des priorités doivent être fixées, une chose se fait aux dépens d'une autre», a déclaré samedi Roni Sofer, porte-parole du Premier ministre, sur Radio Israël. Il a souligné que le gouvernement ne saborderait pas son budget. Les organisateurs du mouvement ont annoncé une pause dans les manifestations au cours des prochaines semaines afin de donner au comité d'experts le temps de livrer ses conclusions, mais Itzik Shmuli, le dirigeant étudiant, a assuré lors du rassemblement de samedi que le mouvement était «là pour durer». Même si le gouvernement de coalition ne semble pas immédiatement menacé, ces manifestations soulignent l'impact électoral potentiel d'une classe moyenne rassemblée sous la bannière de la justice sociale.