Qu'est ce qui fait courir à perdre haleine, ces derniers jours, l'employeur et les représentants des 5 300 travailleurs du complexe ArcelorMittal Annaba ? Est-ce par défi à ceux qui croient que les répercussions de la conjoncture économique mondiale sur le marché de l'acier en Algérie vont lui être fatales ? C'est à ces deux questions et bien d'autres que devaient répondre samedi dernie les syndicalistes de l'entreprise ArcelorMittal Annaba où ils s'étaient réunis en conseil extraordinaire. Ils avaient à étudier le contenu de ce qui ressemble à une véritable alerte lancée par le groupe ArcelorMittal, leader mondial de l'acier quant à la baisse de 30% de la production de sa division Long Carbon Europe. Et comme pour préciser que le péril est en la demeure, le groupe a ciblé ses sociétés en activité au Luxembourg, Belgique, Pologne, Espagne et France. Toutes devront entamer des actions rigoureuses de diminution de leur production. La crise devrait se répercuter sur le marché algérien. Ce qui répond à la 1re question ayant imposé aux syndicalistes de prendre des initiatives que certains pessimistes qualifient tendancieusement d'audacieuses. C'est le cas de le dire à la lecture du communiqué signé la fin de la semaine écoulée par, conjointement, Vincent le Gouïc, directeur général, et Smaïl Kouadria, secrétaire général du syndicat. S'adressant aux salariés, l'un et l'autre ont estimé utile «d'optimiser la production et de rester vigilants sur les coûts pour améliorer la compétitivité». Le même document souligne que de nombreux concurrents exportateurs tenteront d'augmenter leurs ventes entraînant de fait des baisses sur les prix. L'alerte générale est accentuée par des objectifs 2011 non atteints à ce jour avec même des pertes. L'allusion au retard dans la finalisation du projet de renouvellement de la convention d'investissement entre ArcelorMittal et les pouvoirs publics algériens est à peine voilée. Certes, quand tout est presque à refaire dans un complexe sidérurgique El-Hadjar dont la plupart des installations de production est à son dernier souffle, le choix des projets à concrétiser engendre toujours des critiques. Mais de là à retarder des opérations de rénovations incontournables prévues par le plan industriel, il y a comme une maldonne. Après plusieurs mois d'études, de réflexion et de concertation, ce plan a été élaboré est soumis à la partie algérienne le 5 octobre 2011. Depuis, l'attente semble être interminable alors qu'il représente un des facteurs de succès de la production sidérurgique en Algérie aux côtés d'autres aspects tels que le remboursement de la TVA, le bénéfice des avantages de l'ANDI et le financement de l'entreprise. Succès d'autant plus nécessaire qu'ArcelorMittal est un élément moteur des activités industrielles dans notre pays et joue un rôle majeur dans l'emploi direct et indirect de la main d'œuvre locale. C'est pourquoi la menace du dépôt de bilan exprimée par les représentants de la direction générale et les syndicalistes est réelle. C'est dans ce cadre que les deux partenaires ont décidé de multiplier les contacts pour parer à toute éventualité. C'est ce qui justifierait la réunion, ce dernier dimanche, des syndicalistes sous la conduite de Smaïl Kouadria, leur secrétaire général. Au titre de base de travail, ils ont pris le tableau de bord de la production et de la commercialisation des produits sidérurgiques du groupe ArcelorMittal leader mondial de l'acier. Il n'indique rien de bon même si la baisse de 30% de la production concerne les unités de production en terre européenne. L'on peut même faire la relation de cette situation avec la grève provoquée par les fondeurs du haut fourneau n°2 mercredi 9 novembre. Une quarantaine d'agents ont, durant 48 heures, entraîné une perturbation de toute la chaîne de production. Heureusement sans conséquence car le complexe était confronté à un problème d'approvisionnement de minerai de fer pour cause de détérioration de la voie ferrée. Ce qui avait nécessité une mise au ralenti de certaines installations. En fait, la reprise est annoncée par ce qui semble être une prise de conscience des travailleurs. Il consiste en un défi qu'ils ont relevé depuis le 11 avril 2011 d'atteindre les 3 000 tonnes/jour de fonte. C'était au lendemain des réparations majeures effectuées sur le HF2 avec pour objectif d'augmenter la capacité de production du HF2. Soit 600 tonnes/jour de plus que celle enregistrée au 30 mars 2011, date de l'arrêt annuel du HF2 et début des travaux de réparation. Un défi largement à la portée des travailleurs au regard des changements opérés sur différentes installations en attendant la mise en route du plan d'investissement. Mais quand interviendra t-elle ? Cette question figure à l'ordre du jour de la réunion tenue hier. Pour le savoir, les syndicalistes n'hésiteront pas à solliciter leur base pour imposer au gouvernement la sauvegarde de leur outil de travail, aujourd'hui sous la menace.