C'est sous ce titre que le libraire sous ses lunettes à la Geppeto nous livre un bel opus qui vient nous éclairer de quelques notes brillantes et saccadées comme dans une bien belle salle de cinéma. Dans le paysage éditorial algérien, la revanche de l'histoire prend le parti de nous réinscrire dans la grande marche du monde. Bien des spécialistes prennent en effet à bras-le-corps leur connaissance pour nous en livrer des bribes dans les profusions de livres qui, heureusement, commencent à voir le jour ici bas. En passant par la petite librairie Socrate, le maître des lieux me met cet ouvrage dans les mains. «Histoire du cinéma, le refus d'une mise en images» ou «l'Algérien sur les écrans français» de Abderrezak Hellal. Le bougre, personnage marquant, moustache broussailleuse, le regard franc, les «r» élégamment bien roulés, promène souvent sa fraise sur les sets de télévision, plus rarement au cinéma. Mais Abderrezak Hellal demeure un incontournable personnage clé du cinéma algérien ; inutile donc de découdre le chapelet de son illustre et bien chargé curriculum. Nous nous intéresserons ainsi à sa dernière production qui date de quelques semaines et qui s'intéresse à la naissance du cinéma au début du siècle dernier et à sa relative proximité avec l'histoire algérienne, de fait puisque ce cinéma est né à travers les frères Lumière et que, par conséquent, il a été d'une manière ou d'une autre lié à l'Algérie, colonie française par excellence. Sur un ouvrage quasi hagiographique, Abderrezak Hellal revient sur ses premières amours théoriques en produisant aux éditions Rafar un très bon travail de quelque 250 pages avec l'aide du ministère algérien de la Culture. Sur plusieurs questions autour du lien entre l'histoire et le cinéma, entre les cinéastes et l'histoire. Comment a-t-on filmé l'Algérie au moment de cette invention lumineuse ? Comment les journalistes, cinéastes, écrivains et chercheurs ont-ils abordé cet art subtil ? L'écrivain sensible au cinéma Abderezzak Hellal revient donc avec un ouvrage assez bien documenté et assez bien mené au niveau théorique, si ce n'est sur quelques étapes datées des approximations de faits ou de chronologies. L'ouvrage reste en soi un très bon outil de documentation théorique qui gagnerait d'être suivi par d'autres opus du genre pour avoir, entre autres, une vision plus générale, plus détaillée de ce que l'Algérie et le cinéma ont donné au monde. Sur une préface d'Ahmed Bedjaoui, expert en cinéma d'ici et d'ailleurs, le livre s'en va sur quelques chapitres (exactement seize) divisés en deux grandes parties, la première autour de la révolution algérienne dans la cinématographie française et la deuxième grande partie s'intéresse à la révolution algérienne dans les textes français, le tout bien ficelé pour nous répertorier les étapes en amont et en aval pour nous illustrer à force de documentation le racisme, la vision coloniale, les a priori et les partis pris, les images coloniales et les textes subjectifs aux visions désespérément paternalistes. Assez bien référencé et illustré de quelques planches choisies, cet ouvrage vient à point nommé éclairer le lecteur sur de nombreuses aventures épiques de cette image du pauvre Algérien embourbé dans son inculture et dans sa chronique inculture, le tout vu par le prisme d'un arrivé de la dernière heure venu «pacifier» ce peuple de la dernière engeance. Il y a de nombreuses références comme cité plus haut, des références précises inscrites dans une chronologie intéressante à découvrir chez cet auteur prolifique qui n'en est pas à son premier ouvrage. Cette histoire du cinéma se refuse d'être mise en boîte selon des procédés abjects usant de la colonisation pour asseoir une hégémonie d'abord à travers les armes et ensuite à travers l'image. Dans les derniers chapitres, Abderrezak Hellal nous livre les prémices d'un cinéma algérien dans ses premières formes avec une nette propension à la remise en place d'une vision bien algérienne de l'histoire, question de point de vue. Pour cela, cet ouvrage demeure agréable à la lecture et peut être un outil de référence initial pour d'autres travaux. A lire et à faire lir. Histoire du cinéma : Le refus d'une mise en images d'Abderrezak Hellal, Editions Rafar, Alger 2011, 250 pages