Les régimes politiques des 27 pays constituant l'Union commerciale européenne, se noient dans un verre d'eau et les 17 pays où l'euro est en circulation savent que sans un regroupement autour d'une Banque centrale européenne indépendante, l'éclatement de la monnaie unique est irrémédiable, d'autant que, techniquement, il n'y a pas d'autre solution que de s'aligner derrière la BCE pour éviter la récession des économies et l'explosion de la grogne sociale. L'Allemagne reste farouchement hostile à une monétisation de la dette européenne par souci de discipline budgétaire et surtout d'indépendance dans la prise de décisions importantes impliquant l'avenir de l'Europe. Les autres pays, dont à présent la France, sont pour l'utilisation de la planche à billets, comme le font les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou encore le Japon. Pourtant, ces pays ne semblent pour l'instant guère inquiétés ni par les attaques ou les menaces des agences de notation ni par les marchés financiers. Les semaines à venir seront déterminantes pour l'avenir de la zone euro. L'Eurogroupe préconise de renflouer les caisses du FMI pour que cette institution prête de l'argent aux Européens, avouant ainsi le peu de crédit attribué au Fonds européen de stabilité financière (FESF) par les dirigeants de l'eurozone à une solution interne. La stabilité financière de l'Europe est remise en cause par les attaques des créanciers qui s'en prennent maintenant à la troisième économie de l'union monétaire, en l'occurrence l'Italie. Le FESF, conçu comme pare-feux contre les agressions des marchés financiers et qui devait être doté de 1 000 milliards de dollars, ne pourra, faute d'avoir réuni cette somme, joué le rôle qui lui était dévolu, ce qu'a reconnu Jean-Claude Juncker, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro. La capacité de rassurer les marchés par les premiers responsables politiques européens ne fait plus recette, car les garanties de remboursement, même à des marges de 20 à 30 % d'intérêts, scénario inimaginable il y a encore quelques mois, laissent planer un sérieux doute sur l'aptitude de la zone euro à freiner la crise de la dette souveraine. La dégradation de la situation financière est telle que l'ensemble des études prévisionnelles de croissance indiquent que l'Europe entrera bien dans une longue période de marasme économique. L'Italie, dont le Parlement vient d'entériner un autre plan d'austérité espérant amadouer les prêteurs, a, mardi dernier, emprunté sur les marchés à des taux records de plus de 7 % lors d'une émission obligataire, ce qui est jugé insoutenable à long terme pour redresser la situation. La pression est si forte qu'il est apparu que la France et surtout l'Allemagne seraient dans une posture délicate au point qu'ils subiront les contre-effets de la crise européenne par leur entrée en récession. Le spectre du déclenchement d'une faillite généralisée de la zone euro est omniprésent. La crise prendra des proportions telles qu'il sera pratiquement impossible de contrôler l'envolée de l'inflation ou de freiner la montée du chômage. La situation est d'autant plus grave que malgré les bonnes intentions des Américains à aider au redécollage économique de la zone euro, il ne se passe rien de concret, pareillement concernant les soutiens financiers attendus de la part des pays émergents. La planche à billets L ‘Europe est aujourd‘hui face à un choix crucial, celui de créer un fédéralisme monétaire impliquant la reconnaissance d'une dette commune qui sera rachetée par la BCE, sinon se préparer à enterrer le projet de la Communauté économique européenne étant donné que les égoïsmes nationalistes prennent le dessus sur le rationalisme financier. De cet immobilisme politique, seule la planche à billets pourrait sauver des abysses un projet d'union monétaire fonctionnant avec 17 parlements, 17 gouvernements, 17 économies hétéroclites et des dizaines de banques et établissements financiers affranchies, peu intéressées par l'investissement dans l'économie réelle, alors qu'elles devraient être la clé de voûte du développement. Face à la dernière alternative s'offrant aux Européens d'avoir recours à la consolidation des prérogatives de la BCE, l'Allemagne, très réticente au projet, songe à quitter, selon certaines indiscrétions, la zone euro avant que le naufrage de l'euro ne soit une réalité. La Bundesbank et le gouvernement fédéral allemand, quoique extrêmement hostiles à donner le feu vert à la monétisation massive de la zone euro, savent que les réformes structurelles n'apporteront rien de bon pour la croissance et que les coûts financiers de la crise socioéconomique seront pour les Européens intolérables, que la stabilité politique sera sérieusement écorchée. Les émissions d'une monnaie pour racheter la dette des pays en difficulté va imposer à la BCE le risque d'accumuler des actifs toxiques dans ses réserves, en plus de prêter plusieurs fois son capital. Donc, il existe de sérieux doutes sur les capacités de la BCE à soutenir les banques européennes et à supporter les banques européennes qui, elles-mêmes, ont pour rôle de financer les économies et les Etats. L'Allemagne a vu sa position sur l'échiquier des marchés financiers se dégrader à la suite de l'implication de ses banques dans la zone euro et des pays périphériques, eux aussi fragilisés par la crise. Les conséquences pour l'économie allemande, si ce pays envisage de sortir de l'euro, seraient catastrophiques. Il reste la possibilité de couper la zone euro en deux, celle des pays du Nord capables de soutenir une discipline budgétaire et celle du Sud par qui la déstabilisation est venue, ou alors construire un fédéralisme financier de telle sorte à avoir un système fiscal commun et des emprunts sur les marchés financiers à taux de remboursement identiques à tous les pays. Cette crise de la dette souveraine en Europe, si elle ne trouve pas une issue heureuse, aura des conséquences systémiques sur toutes les économies de la planète. Déjà, des pays périphériques de la zone euro affichent des malaises et voient leurs notes dégradées par les agences de notation. L'agence de notation Moody's a dégradé vendredi soir sept banques commerciales hongroises au lendemain de l'abaissement de la note de la dette souveraine du pays, ramenée au rang d'investissement spéculatif. La capacité du gouvernement hongrois à soutenir les établissements bancaires du pays est la raison essentielle à cette alerte. Malgré un plan structurel jugé sérieux, la Belgique fait les frais des incertitudes politiques qui durent depuis plus de 500 jours, laissant ce pays sans gouvernement. L'agence de notation Standard and Poor's a revu à la baisse d'un cran vendredi la note de la Belgique ; celle-ci a été ramenée de AA+ à AA en raison de son endettement et de la paralysie empêchant le vote de la loi de finances 2012. L'agence craint que les «difficultés du secteur financier» ne nécessitent un soutien plus important des pouvoirs publics, ce qui alourdirait la dette déjà élevée du pays qui a perdu une bonne partie de sa crédibilité. La directrice générale du Fonds monétaire international, Mme Christine Lagarde, a estimé vendredi qu'aucun pays n'était «à l'abri» d'une éventuelle tempête financière qui partirait d'Europe. Même l'Amérique latine ne serait pas à l'abri d'une tempête qui partirait d'Europe, a écrit Mme Lagarde sur le bloc-notes en ligne de son institution, selon une dépêche rapportée par l'APS. Toujours d'après les notes de la directrice générale du FMI, «l'Amérique latine serait l'une des régions les plus exposées et les plus vulnérables aux chocs extérieurs» en dépit de l'épargne intérieure de ces pays pour faire face à de «sombres jours». Mieux armés que les pays avancés industriellement, des pays comme l'Algérie devraient prendre des mesures en se préparant à amortir les effets négatifs d'une onde de choc provenant d'Europe.