Même mort, le général Bigeard continue à faire du bruit, notamment son rôle pendant la guerre d'Algérie et particulièrement durant la bataille d'Alger. En effet le transfert des cendres du général Marcel Bigeard à l'Hôtel des Invalides à Paris provoque d'ores et déjà une onde de choc auprès des intellectuels et historiens français et algériens et ce, depuis l'annonce, la semaine dernière par le ministère de la Défense de déposer les cendres du général survenu le 18 juin de l'année dernière à Toul (Meurthe-et-Moselle)aux Invalides. Un appel avait été lancé au lendemain de la décision par un nombre de journalistes et historiens à l'image de Rosa Moussaoui journaliste au journal l'Humanité et son ami l'Historien de colonisation Alain Ruscio. Dans la pétition parvenue à notre rédaction et signée par plusieurs personnalités parmi eux le résistant Raymond Aubrac co-fondateur du mouvement Libération Sud, le secrétaire national du parti communiste Français Pierre Laurent, Noêl Mamère, l'écrivain Didier Deaninckx…Ces derniers exigent que «le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse». Dans cet appel, les rédacteurs rappellent : « Après la loi du 23 février 2005 sur la colonisation «positive», après les stèles de Marignane et d'ailleurs honorant la mémoire des tueurs de l'OAS, cette initiative relève, encore, de la falsification historique. Il s'agit bel et bien d'élever un tortionnaire, symbole des pratiques les plus abjectes de l'armée française pendant les guerres coloniales, au rang de héros» en précisant : «Nous avons voulu réagir publiquement à cette manipulation, qui n'a rien d'innocent à la veille du cinquantième anniversaire de l'indépendance algérienne et à quelques mois d'importantes échéances électorales en France. Les signataires dudit document affirment que « De son vivant, le général Bigeard a toujours bénéficié de l'admiration des forces politiques les plus réactionnaires et de leur soutien actif. Et voici qu'une année après sa mort, il est de nouveau utilisé pour une manœuvre politicienne, orchestrée par le ministre de la Défense, dont le passé d'extrême droite est connu». Selon les rédacteurs «Cette initiative de transfert aux Invalides des cendres de Bigeard est doublement pernicieuse. D'une part, il y a une certaine indécence à mettre Bigeard au rang d'autres grands militaires qui y reposent, parfois depuis des siècles.» On peut avoir des analyses critiques sur tel ou tel d'entre eux, mais beaucoup mirent leur génie au service de la défense du territoire français. D'autre part, et surtout, une telle initiative serait une insulte à divers peuples qui acquirent au prix fort, naguère, leur indépendance. Ces pays sont libres depuis des décennies, ils ont le plus souvent des relations cordiales avec le nôtre. A-t-on pensé un instant quel signal le gouvernement français s'apprête à leur envoyer ? Est-ce du mépris à l'état pur ou de l'inconscience ? Et ils poursuivent : «On nous présente cet officier comme un héros des temps modernes, un modèle d'abnégation et de courage. Or, il a été un acteur de premier plan des guerres coloniales, un «baroudeur» sans principes, utilisant des méthodes souvent ignobles. En Indochine et en Algérie, il a laissé aux peuples, aux patriotes qu'il a combattus, aux prisonniers qu'il a « interrogés», de douloureux souvenirs. Aujourd'hui encore, dans bien des familles vietnamiennes et algériennes qui pleurent toujours leurs morts, certains membres portent encore dans leur chair les plaies du passé, le nom de Bigeard sonne comme synonyme des pratiques les plus détestables de l'armée française. Nous n'acceptons pas que la notion d'héroïsme soit liée à l'histoire de cet homme. Les vrais héros étaient ceux qui, dans les pays colonisés, luttaient pour la liberté et l'indépendance de leurs peuples, ceux qui, en métropole, ont eu la lucidité de dénoncer les guerres coloniales, si manifestement contraires au droit international, au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à l'intérêt même de la nation française. L'objectif aurait été de réveiller les guerres mémorielles que les manipulateurs à l'origine de cette initiative ne s'y seraient pas pris autrement» conclut le communiqué. Il est à noter que cette pétition recueille tous les jours plusieurs centaines de signatures depuis son lancement. Pour rappel de son vivant le général Bigeard avait exprimé le souhait que ses cendres soient dispersées au-dessus de la cuvette de Dien bien Phu en (Indochine) où il avait d'ailleurs combattu. Le gouvernement vietnamien avait bien entendu répondu non à ce projet posthume.