Les syndicalistes de ArcelorMittal Annaba et du groupe d'entreprises algériennes Anabib haussent le ton. Lors d'une assemblée générale qu'ils ont conjointement animée hier à la Tuberie sans soudure (TSS) filiale du groupe Sider, Smaïl Kouadria et Moussaoui M'barek, les secrétaires généraux de ces deux entreprises, sont rapidement sortis des sentiers battus pour pointer du doigt les ministres des de l'Energie et des Mines, et de l'Industrie ainsi que celui des Travaux publics. Ces trois membres du gouvernement sont accusés d'être partie prenante dans la démarche tendant à réduire à néant la production nationale des tubes avec ou sans soudure et autres produits sidérurgiques comme les glissières de l'autoroute Est-Ouest. En présence des travailleurs de la TSS surchauffés par l'arrêt de leur chaîne de production depuis 18 mois faute de commande, Smaïl Kouadria a stigmatisé Sonatrach. Selon lui, cette entreprise privilégie l'acquisition de la totalité de ses tubes auprès de traders étrangers. «Elle le fait au détriment de la TSS El-Hadjar dont les tubes répondent à toutes les normes et sont de meilleure qualité. Depuis plus de 18 mois, la TSS est exclue du marché des tubes sans soudure au profit de traders. «Ces derniers se sont accaparés près de 50% des besoins de Sonatrach, soit l'équivalent de 731 millions de dollars», s'insurge le secrétaire général du syndicat ArcelorMittal. Cette révélation est reprise, dans le communiqué qu'il a émis, avec un tableau comparatif des commandes passées par Sonatrach pour la réalisation de ses pipelines. Ce sont tous des traders étrangers : Hight Sealed & Couplet (HSC, Liban), Gleen Steel (USA), Intermak Inc (Pays?Bas) et China Petroleum (Chine). Ils sont arrivés à décrocher des marchés pour respectivement 454 millions de dollars, 148 millions de dollars et 128 millions de dollars. Le même communiqué précise que Sonatrach a donné sa préférence à des traders et a totalement ignoré les propositions de grands fabricants de tubes d'acier tels Tenaris (USA), Vallourec (France) et ArcelorMittal Pipes & tubes Algerie (TSS). Smaïl Kouadria enfoncera le clou en s'interrogeant sur la finalité prévue par la loi algérienne en matière de protection de la production nationale et de préférence nationale lorsque TSS, une entreprise algérienne remplissant toutes les conditions prévues par le cahier de charge, est exclue. Hier, au complexe sidérurgique El-Hadjar qui abrite la TSS, la colère des travailleurs et de leurs syndicalistes étaient visibles. Elle l'était davantage au moment où ils avaient levé le bras en signe d'approbation de la proposition faite par leur syndicat de passer à l'offensive. «Avant d'entreprendre une quelconque action, nous devons d'abord accorder un délai jusqu'à la fin de ce mois au responsable du groupe Sider pour décrocher un plan de charge. Si d'ici là rien n'interviendrait, nous investirons la direction générale du groupe Sider avant d'occuper la voie publique. Il en sera ainsi jusqu'à satisfaction de la revendication légitime des travailleurs quant à bénéficier du principe de la préférence nationale.» Telle a été la proposition avancée par Smaïl Kouadria et approuvée à l'unanimité par les travailleurs présents. C'est cette même proposition que Moussaoui M'barek s'est engagé à soumettre à sa base. Il s'était déplacé à Annaba pour exprimer la solidarité des 1 400 salariés du groupe Anabib avec leurs camarades de la TSS et pour coordonner une action de protestation face aux atteintes continuelles de la production nationale. «J'adhère totalement à la démarche proposée par Kouadria. Je me propose de la soumettre pour approbation aux travailleurs de notre Groupe dès mon retour à Reghaïa. Si c'est tout ce qui nous reste pour défendre notre pays des méfaits de la corruption, nous le ferons. Cette corruption est pour beaucoup dans la fermeture de la majorité de nos entreprises et dans la régression du niveau de la production nationale», argumente Moussaoui. Ce syndicaliste n'a pas manqué de s'interroger sur l'annulation d'un bon de commande adressé à Anabib pour 1 500 km de tubes destinés au projet Est-Sud-Est (aller-retour) du secteur hydraulique et celui H/24 de la ville d'Oran. Il s'est également étonné que cette commande ait profité à une société chinoise. Un autre marché portant fourniture de 160 km de tubes à Sonelgaz a été attribué à une société turque. Anabib qui avait soumissionné en baissant ses prix avait compté sur la mise en route de la préférence nationale. Il se trouve qu'on lui a préféré «une autre préférence» et tant pis pour la production nationale et les lourds investissements financiers engagés pour rénover les équipements de production. Et quand on sait que la société turque bénéficiaire du marché se trouve être exclue du marché de l'Union européenne en application des dispositions du règlement n°540/2002 de la commission de l'Union européenne instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains tubes et tuyaux soudés en fer, il y a lieu de se poser des questions sur la qualité des tubes acquis par Sonelgaz. Questionnement aussi sur cette autre annulation décidée par le ministère des Travaux publics du bon de commande portant fourniture de glissières métalliques de sécurité destinées à l'autoroute Est-Ouest. Elles ont été remplacées par celles en béton à réaliser par une société chinoise. Il se trouve que partout à travers le monde, les glissières en béton ont été supprimées au profit du métal. C'est presque des conditions similaires de «préférence étrangère» qui ont éliminé la TSS du marché national. Ce qui a imposé à Smaïl Kouadria de proposer l'intégration de la TSS à ArcelorMittal ou d'être nationalisée pour sauver les 360 postes de travail directs existants et autant en indirect. «L'UGTA est le pilier de la stabilité sociale. Les travailleurs ne veulent plus de fausses promesses et pour interlocuteurs des ministères qui cultivent le mensonge», a-t-il répondu à une question de TSA. Il a même était question de l'émission d'un bon de commande par la Sonelgaz de 90 km de tubes soudés qui aurait été détourné au profit d'un fournisseur chinois.