En fermant l'œil sur un grand nombre d'anomalies dans la gestion de certaines entreprises publiques, privées ou mixtes, et en allouant des budgets colossaux à d'autres censées apporter un plus à la relance économique, l'Etat montre qu'il dispose de fonds pouvant être dilapidés. Pour preuve, les derniers dossiers de la Tuberie sans soudure El Hadjar, ArcelorMittal Annaba, ArcelorMittal Tébessa et les filiales du Groupe Anabib risquent de pâtir de la culture du laxisme qui caractérise certains ministères. Le tout dernier de ces dossiers concerne la mine de l'Ouenza ArcelorMittal Tébessa. Il s'agit de la plus importante source d'approvisionnement en minerai de fer destiné à la production nationale de sidérurgie. Après plus d'un mois d'inactivité, elle a repris tôt le matin de ce dernier lundi ses activités d'extraction. Une vingtaine de jeunes chômeurs, ou prétendus comme tels, avaient imposé depuis le 20 novembre 2011, la mise à l'arrêt de tous les moyens de production de minerai nécessaire au fonctionnement du complexe sidérurgique El Hadjar. Ni les appels lancés par la direction générale ArcelorMittal Tébessa à l'adresse des autorités locales de la wilaya de Tébessa, ni les risques que l'occupation par la force de la mine par les chômeurs faisaient peser sur la production sidérurgique nationale et encore moins la décision d'évacuation prise par le tribunal correctionnel de Ouenza saisi en référé, n'avaient entraîné une quelconque réaction des mêmes autorités. Lundi, la situation s'est décantée. C'est-à-dire après que l'opérateur économique étranger ArcelorMittal Tébessa ait clairement menacé de mettre tous ses effectifs au chômage technique et de fermer le site minier de l'Ouenza. Il a été suivi par la direction générale du complexe sidérurgique El Hadjar qui, pour éviter une autre baisse de sa production d'acier liquide, se préparait à importer ses besoins en minerai pour faire tourner ses machines. Ainsi, après avoir écouté les arguments du DG ArcelorMittal Tébessa et ceux des membres du conseil de sécurité de la wilaya, le wali a ordonné, l'évacuation de la mine le 25 décembre. Il n'a pas eu à utiliser la force publique car, apparemment bien informés, les indus occupants avaient abandonné le site bien avant l'arrivée des gendarmes. Localement, cette situation s'est répercutée sur les caisses de la mine de l'Ouenza qui a enregistré une perte financière sèche de plus de 2,4 millions de dollars et sur celle de la collectivité locale qui aura moins de recettes fiscales. D'autres pertes pourraient surgir dans les prochains jours avec la remise en marche du concasseur, le parc roulant et les engins d'extraction. Au plan social, d'importantes retenues sur les salaires des travailleurs de la mine sont à prévoir ainsi que le report à une date indéterminée de l'opération recrutement de 76 techniciens envisagée par la direction de la mine. Au plan national, la suspension du cycle d'approvisionnement en minerai de fer du complexe El Hadjar est synonyme de baisse de la production sidérurgique et sur les salaires des 5 300 travailleurs. La décision a été déjà prise par la DG de ne pas appliquer les augmentations prévues par l'accord employeur-syndicat intervenu le mois de mai 2011. Il précise que les dites augmentations sont conditionnées par l'atteinte des objectifs de production d'acier liquide étalés jusqu'à décembre 2011. Ce qui n'a pas été fait. C'est dire l'important préjudice économique et social résultant de l'occupation de la mine l'Ouenza du 20 novembre au 25 décembre. Mais il n'y a pas que la mine de l'Ouenza à être confrontée à des problèmes. La Tuberie Sans Soudure (TSS) El Hadjar (Annaba) l'est aussi. A ce niveau, les 360 salariés et les cadres dirigeants désespèrent de voir la chaîne de production de tubes être remise en marche. Depuis plus de 18 mois, cette filiale ne dispose pas d'un plan de charge. Le bon de commande pour la fourniture de 90 km de TSS déposé par la Sonelgaz a bizarrement été annulé. Il y a bien cet engagement du ministre de l'Industrie de leur faire attribuer des commandes par Sonatrach et Sonelgaz. Il est resté sans suite tout autant que l'engagement du ministre des Mines et de l'Energie de favoriser la TSS en matière d'octroi de marchés. Or, ce ministère, comme les autres institutions de la République n'ont pas réagi lorsque Sonatrach est passée outre en sollicitant des traders étrangers. Pourquoi ? La question reste posée surtout que la fiabilité des tubes TSS a été confirmée et que, selon les conclusions de laboratoires internationaux, ces tubes répondent aux normes de fabrication. Et si la qualité des tubes TSS ne prête à aucune critique, les prix de vente affichés par cette entreprise sont comparables à ceux appliqués par les traders étrangers. Ces derniers, ayant mission d'intermédiaires, ont décroché le pactole auprès de Sonatrach. Celle-ci a attribué à quatre d'entre eux des contrats pour la fourniture de tubes sans soudures pour le montant de 454 millions de dollars au libanais Higt Sealed & Coupled HSC, de 148 millions dollars à l'américain, de 129 millions dollars au hollandais Intermak Inc et pour un montant tout aussi important en millions de dollars au nouveau trader chinois sur le marché international des tubes la China Pétrolum. TSS, le seul fabriquant de tubes sans soudure dans le Maghreb n'a pas eu un seul cent. Il a été disqualifié non pas parce qu'il est cher, qu'il n'a pas respecté le cahier de charges ou que son produit n'est pas conforme, mais parce que ses 360 salariés et leurs responsables ont à cœur la relance de l'économie nationale. Il n'y a pas que ces deux dossiers scabreux. D'autres entreprises algériennes vivent des vicissitudes similaires au moment même, où selon Abdelhamid Temmar, ministre de la Prospective et des Statistiques récemment à Annaba, l'Etat envisage de ressusciter 80 entreprises publiques économiques. Les filiales du groupe Anabib, d'autres spécialistes algériens de tubes, vivent les mêmes épisodes. Dans ce dossier, l'aberration a été poussée à l'extrême avec la décision du ministère des Travaux publics d'annuler un bon de commande pour la fourniture et la pose de glissières métalliques tout le long de l'autoroute Est-Ouest. En bonne et due forme, il avait été adressé à la filiale algérienne « Tubprofil » propriété du groupe Anabib. Pour les 1 400 salariés du groupe, ce bon de commande était arrivé au moment opportun. Pour répondre aux exigences de ce marché de plus de 2 milliards de DA, les dirigeants de Tubprofil avaient battu le rappel de leurs meilleurs techniciens et engagé 120 millions de dinars pour la mise à niveau de leurs installations de production. La joie des travailleurs ne durera que le temps de fabriquer 50% des glissières à poser sur l'autoroute. Puis ce fut le choc. Le ministre, M. Ghoul, en présence du président de la République s'était permis de critiquer le gouvernement dont il est membre, décida d'annuler toute la commande. Inexplicablement, le ministre sollicitera un trader turc. «Effectivement nous avons reçu le bon de commande pour la fourniture et pose de glissières de sécurité métallique sur l'autoroute Est- Ouest. Leur conformité aux normes internationales a été reconnue par un laboratoire japonais à la demande de Cojaal. Puis ont suivi les opérations de mise à niveau de Pro Tub pour 120 millions DA, l'acquisition de l'acier auprès d'ArcelorMittal Annaba et la fabrication de 50% de la quantité de glissières prévue. Puis il y a eu la correspondance d'annulation du marché par le ministère des Travaux publics. «Dans ce dossier, il y a quelque part comme une manœuvre politique tendant à nuire aux intérêts de notre pays» argumente M'Barek Moussaoui, le secrétaire général du syncidat du groupe Anabib. Pour calmer la colère des 1 400 salariés du groupe Anabib, Amar Ghoul déclarera le 15 février 2009 : « Qu'ils se préparent à fournir le même type de glissières pour la sécurité de 30 000 km de routes nationales et chemins de wilaya du pays du marché que nous allons leur attribuer». Bien que relancé à maintes reprises par les responsables et les syndicalistes, Amar Ghoul fait la sourde oreille. Lui pour qui le scandale de «l'autoroute Est-Ouest» n'a pas ébranlé, multiplie les contradictions. Y compris celles qui discréditent les plus hautes institutions de l'Etat. C'est à croire que l'enjeu est politique et que le MSP, le parti politique dont est issu Amar Ghoul a une dette à payer aux turcs dans la perspective des prochaines législatives.