Depuis quelques jours, l'affaire de la prise en charge médicale du bébé Manil a pris une tournure déroutante dans les médias français. Hier, la radio française Europe 1 annonçait que la dette hospitalière algérienne pour raisons de soin en France dépassait les 600 millions d'euros. La Caisse algérienne des assurances sociales (Cnas) doit s'acquitter d'une dette de 6 600 milliards de centimes pour voir le bébé Manil pris en charge par un hôpital en France. Cette information a été vite démentie par une source algérienne autorisée. S'il y a dette, cette dernière ne dépassera pas les 20 millions d'euros. Cette histoire de dettes commença au mois de novembre 2011. Le bébé Manil, qui a aujourd'hui huit mois, souffre de déficience immunitaire sévère. Pour être sauvé, ce bébé doit bénéficier en urgence d'une greffe de la mœlle osseuse dans un hôpital en France. Ce genre d'intervention ne peut être pratiqué en Algérie. La Cnas va alors prescrire une prise en charge totale aux parents de Manil. En vertu d'une convention unissant l'Algérie à la France, trois équipes médicales françaises, la première à Marseille, la seconde à Lyon et la troisième à Strasbourg, se tiennent prêtes à accueillir Manil, pour l'opérer et à l'accompagner pendant de longs mois de traitement. Contre toute attente, l'administration de l'hôpital où le bébé algérien devait être opéré rejette la prise en charge de la Cnas. La raison invoquée concerne le coût de l'intervention qui serait trop élevé, la Cnas devant déjà des millions d'euros aux hôpitaux français. Les chances alors de sauver rapidement Manil s'amenuisent de jour en jour. Ce refus ouvre la voie aux journaux et à la toile (internet) pour prendre le relais et mener campagne pour sauver le bébé. Sur le net «des âmes charitables», surtout des Algériens résidents à l'étranger vont se mobiliser. Des comptes bancaires seront communiqués sur les réseaux sociaux pour réunir des fonds qui permettront d'opérer Manil. Evidemment, sur ces réseaux, on parle en euros et en dollars et non pas en dinars. Sur ces réseaux sociaux, la désinformation fera rage. Tout sera fait pour démentir toute décision de prise en charge accordée par la Cnas. Selon un quotidien français, cette campagne de solidarité aurait permis la collecte de 50 000 euros. En l'absence de transparence et surtout de traçabilité, il serait difficile d'évaluer les montants réels réunis dans ce genre d'opération. Et il est surtout connu que les personnes mal intentionnées sont nombreuses sur le net. En parallèle, une campagne médiatique est déclenchée autour de cette affaire en France. A l'exemple du net, cette campagne était surtout axée sur l'argent et les dettes. Aucun média ne s'est aventuré à dénoncer l'hôpital qui a refusé de prendre en charge le cas Manil, malgré l'existence d'une prise en charge officielle accordée par un établissement étatique algérien. Ce qui est scandaleux dans cette affaire, c'est qu'un hôpital français a refusé de prendre en charge un bébé en danger de mort. Mais les médias français ont préféré aborder le plus la problématique financière que le côté humanitaire de cette affaire. Une source au fait de ce dossier n'a pas caché son étonnement face à la tournure qu'a prise cette affaire. L'Algérie et la France sont liées par une multitude d'accords couvrant une multitude de domaines, y compris le règlement des contentieux. «Si le problème de la dette hospitalière de l'Algérie en France est aussi grave que certains veulent le faire croire, pourquoi alors les concernés ne se sont pas adressés à la justice ?» s'interroge notre interlocuteur. Avant d'ajouter que très souvent et quand il s'agit de l'Etat algérien, certains hôpitaux français exagèrent sur les factures, d'où des litiges. Ce qu'oublient les médias français, c'est qu'en ces temps de crise financière que traverse l'Union européenne, l'Algérie reste un important soutien pour la France. Dans le seul secteur de la santé une partie importante des 2,5 milliards de dollars des importations de médicaments de l'Algérie proviennent de la France. L'Algérie importe aussi pour plusieurs millions de dollars d'équipements médicaux de ce même pays. En ces temps de crise, notre pays a importé de France des marchandises pour plus de cinq milliards de dollars durant les seuls neuf premiers mois de l'année 2011. «Drôle de façon de renforcer les relations entre nos deux pays en refusant de soigner un bébé gravement malade, pourtant bénéficiant d'une prise en charge de quelques dizaines de milliers d'euros dans un hôpital français !», commente un observateur. Au mois de novembre de l'année 2011, la facture de la prise en charge totale de Manil a été évaluée à 276 000 euros. Après plusieurs semaines de démarches, l'enfant et ses parents ont finalement été acceptés par l'hôpital concerné en France. Des leçons sont à tirer de cette affaire et de cette aggravation de la dépendance de l'Algérie vis-à-vis de l'étranger dans le domaine des soins et du médicament. D'où s'impose cette urgence de revoir la politique actuelle de la santé et aussi le choix des partenaires étrangers de notre pays dans ce domaine.