Alors que des milliers d'hectares de terres sont cédés à la culture des résines de cannabis au Royaume chérifien et que les services de sécurité algériens opèrent des saisies de dizaines de tonnes chaque année, les autorités marocaines annoncent d'une année à une autre, la saisie de deux à trois tonnes de cette substance. De la poudre aux yeux. Un rapport de la direction régionale de la douane marocaine a fait état, avant-hier, de 45 opérations effectuées par la brigade de lutte contre les stupéfiants au cours de l'année écoulée, permettant la saisie de plus de trois tonnes de kif traité dans la région du nord-est du pays des frontières avec l'Algérie. Ce territoire obligatoire pour le transit des marchandises des narcotrafiquants vers tout le nord de l'Afrique, l'Europe et le Moyen-Orient vit, quant à lui, des saisies énormes au cours des quatre dernières années. Comment toutes ces quantités ont pu échapper à la «vigilance» des services marocains? En effet, la quantité de kif marocain saisie par les services de sécurité est passée de 15 tonnes en 2008 à 30 tonnes en 2009 pour atteindre 75 tonnes en 2010 et dépasser les 65 tonnes en 2011. D'ailleurs, rien que pour la première semaine du mois de janvier en cours, ce sont plus de huit tonnes de la même substance qui ont été saisies dans la wilaya de Tlemcen. Cette wilaya frontalière comptait ses saisies en kilogrammes durant les années où les narcotrafiquants optaient, pour les quantités importantes par les frontières sud-ouest (Béchar et Tindouf) mais le renforcement du dispositif sécuritaire en moyens humains et matériels dans ces régions, a coûté des fortunes et l'échec des importantes opérations de trafic a amené les trafiquants à tenter du côté de Tlemcen. Là, les gardes-frontières et les brigades territoriales avait déjà compris «la stratégie» des criminels et se sont préparés pendant que la grande lutte se menait au sud-ouest. En effet, ces services n'ont plus affaire, depuis plusieurs mois, à des sacs de kif transportés à dos d'âne, sur des motocyclettes ou dans les caisses de voitures, mais à de gros lots tentant de franchir le territoire national à bord de véhicules tout terrain et des camions. Des quantités ayant pu échapper à la première ceinture de sécurité aux frontières sont souvent saisies en grandes et petites quantités dans d'autres wilayas et sur les axes routiers. Fac à cette lutte, le phénomène du trafic de drogue est de plus en plus inquiétant et ne semble pas connaître des limites, à savoir, que les réseaux spécialisés s'organisent davantage afin de préserver et développer une activité des plus juteuses dans le monde de la criminalité. Les services de prévention contre la drogue font face actuellement à une mafia sans frontières car les narcotrafiquants marocains ne peuvent pas assumer seuls une activité transfrontalière. Ils ont en effet des complicités en Algérie, en Tunisie, en Libye et dans tous les pays de transit et avec ceux destinataires de la marchandise. Bien que le kif marocain ne soit pas l'unique substance commercialisée à travers le monde, néanmoins elle demeure la plus réputée et la plus consommée. Selon des analystes, mettre fin à cette criminalité encourageant et finançant d'autres crimes organisés notamment le terrorisme et le blanchiment d'argent, ne doit pas se contenter uniquement des saisies d'ici mais de passer à la lutte à la base car, explique-t-on, tant qu'il y a production, il y aura trafic. A ce sujet, L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) avait classé, dans son dernier rapport, le Maroc parmi les plus gros producteurs de résine de cannabis qui reste la drogue la plus consommée et répandue dans le monde. La même source avait indiqué dans son rapport publié en juin 2011 que la surface cultivable en résine de cannabis au Maroc était estimée à «47 500 hectares (chiffre fourni par les autorités marocaines) dont la production est destinée principalement pour les marchés de l'Afrique du Nord et de l'Europe occidentale et centrale». D'autres sources locales indiquent que ladite surface occupe près de 250 000 hectares du Rif marocain au vu et au su de tous. Que peut-on donc dire, si ce n'est que les saisies annoncées par les autorités du pays producteur ne sont que de la poudre aux yeux.